Une fine équipe

Une voix qui sauve

Aaah le samedi soir, la fièvre ou l’angoisse de n’avoir rien de prévu (« merde, mec, c’est samedi et on a rien de prévu ce soir ?? On va quand même pas s’mater un film et se faire une soirée pédicure ?! »)… en l’occurrence, samedi dernier, j’étais à deux doigts de la soirée pédicure quand finalement j’apprends la présence de La P’tite Equipe à la dame de Canton, avec Dehlia Black en première partie. Bon, ce n’est pas franchement mon style de référence, d’habitude je suis plus friand d’infrabasses, mais c’est aussi l’occasion de mettre enfin un pied dans ce bateau improbable devant lequel je passe tous les jours. Arrivée à la fin de Dehlia Black, j’entrevois, oups, pardon, j’entre-entends une magnifique voix, envoutante, puissante mais réservée. Une voix qui sait s’envoler, mais n’est pas pressée de le faire. Seule à la guitare, face au public qui commence à se constituer, la chanteuse s’affirme avec force, malgré ses balades mélodieuses et douces, à l’écriture plutôt simple et franchement pas révolutionnaire. Puisant ses ressources dans le blues, le reggae, le folk ou la soul, l’enchaînement des quatre bouts de morceaux présents sur son myspace paraît décousu, et l’on a du mal à saisir une cohérence, une unité. Deux choses qu’elle trouve aisément seule à la guitare, ses morceaux étant musicalement épurés et tenant grâce à sa seule voix, l’ambiance de Dehlia Black se construit au fil des ballades, une ambiance dans laquelle ses influences transparaissent plus subtilement. Et puis, avouons, plus prosaïquement, elle a quand même réussi à me faire apprécier trois chansons de suite chant/guitare, ça c’est une prouesse. Un peu comme faire aimer Daniel Mermet à un 8-10 ans qui ne vit que pour Naruto sur Game One. Disons.

Une voix qui foire

La P’tite Equipe est fin prête, serrée au fond de la Dame, mais le chanteur s’active encore tout autour du public à mettre en route ses caméras. Trois secondes plus tard, c’est parti avec Narcisse et les Autres, le ton est donné. Guitare-basse-batterie et la « section cuivre », rythme groovy, l’intro est entraînante, on commence machinalement à tapoter du pied, le son est un peu crade, mais bon, on est dans une jonque tout de même, faut pas trop en demander. Et puis… patatra, le chanteur balance ses textes, aïe aïe aïe. Aïe. Non, désolé, je ne peux pas, la voix m’irrite et les textes sont… pauvres. Bon, soyons sympa, disons… simplistes. Effectivement, c’était annoncé, le groupe ne se prend pas au sérieux, festif, simplicité, thèmes accrocheurs, tout ça tout ça. Mais bon, j’ai vu des groupes pas sérieux qui étaient quand même bien plus fins que ça. Les textes et l’énergie de la P’tite Equipe me rappellent un peu les débuts de Java, par les thèmes surtout : l’alcool, l’argent, la fiesta, les hommes et leurs vanités… thèmes ô combien ressassés par nombre d’artistes, et donc nécessitant à mon avis une approche d’autant plus fine et délicate pour espérer créer quelque chose de novateur. Et là, en l’occurrence, novateur, ça ne l’est pas. Quel dommage, vraiment, car j’ai l’impression d’un décalage énorme entre la qualité des compos et celle des textes et du chant… musicalement, c’est impeccable, le groupe touille avec truculence ses influences variées (hip-hop, funk, chanson française, fanfare) et arrive à en sortir quelque chose de bien rodé, de bien cohérent, parfois délicieusement mélancolique grâce aux magnifiques envolées de la flûte (ouais ouais, j’ai un faible pour la flûte), tantôt efficacement énervé, servi par des cuivres bien présents mais pas omniprésents, un bassiste impressionnant, et une guitare qui sait s’effacer sans être invisible. D’autant plus que c’est un groupe qui laisse s’exprimer et exploite totalement chaque instrument, tout le monde a sa place et surtout quelque chose à apporter. Franchement, ça met la patate. Mais le chanteur est clairement en dessous. Les textes slamés (Persona non grata) passent mieux, si l’on essaie de ne pas trop comprendre ce qui se dit et si l’on oublie les refrains. Autrement, la voix est commune, plate, et son égo envahit toute la scène, ne supportant pas plus que 20 secondes instrumentales sans voix. Cette manie d’intervenir à tout bout de chant est insupportable, tout comme le scratch vocal franchement pas glorieux. Honnêtement, dommage, car musicalement, le groupe est très bon, et crée quelque chose de vraiment sympathique… j’en suis ressorti globalement rassasié, réussissant par moment à mettre la voix de côté, en se concentrant sur la musique. Si vous tombez sur la P’tite Equipe, au détour d’un festival ou d’une soirée, ne la boudez pas : tâtez voir, ça pourrait vous réveiller un coup.

Ehoarn

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