Keda – Hwal. Musique du matin calme

keda - hwalDe but en blanc, lorsque l’on apprend la parution d’un énième album « conceptuel » mélangeant sonorités anciennes ou instruments traditionels, pimpé à la sauce vingt-et-unième siècle via un décrassage électronique, on est épris d’un mélange de sentiments plutôt contradictoires, entre lassitude, curiosité et peur. Lassitude, parce que oui, il faut bien l’admettre, ça reste toujours à la mode de fait du neuf avec du vieux, même si ça ne veut pas dire grand chose en tant que tel, mais bon, on s’est compris. Curiosité tout de même puisque, malgré une introduction un chouïa rabat-joie, il nous arrive tout de même assez régulièrement de croiser de jolies perles, même dans les vieux pots. Et peur, évidemment, parce que c’est le genre d’exercice sur lequel on aura entendu, entre deux bonnes surprises, quelques bons cassages de dents que l’on s’empresse d’ailleurs assez vite d’oublier.

Avec leur album Hwal paru en février chez Parenthèses Records, le duo Keda passe néanmoins l’examen haut la main, ce qui nous permet par conséquent de vous en toucher deux mots aujourd’hui. D’un côté E’Joung Ju, joueuse émérite de geomungo, instrument à cordes traditionnel coréen de la famille des cithares, et Mathias Delplanque, producteur pas tout à fait inconnu pour tout le monde. Un projet hexagonal né à Nantes, qui, après plusieurs scènes et représentations, vient aujourd’hui s’anoblir d’un format physique. L’album fut entièrement enregistré en live, avant d’être resculpté en studio, pour finalement finir masterisé (ça c’est pour faire plaisir à mes trois potes dans le fond) par Rashad Becker.

Alors évidemment, superposer une trame électro à un morceau de geomungo, cela pourrait ressembler à tout et son contraire. La bonne nouvelle vient ici du fait qu’avec ce projet Keda on est plus proche du tout que du contraire. Malgré une tracklist assez courte, on touche à différents univers, ce qui permet à ce Hwal d’être tout sauf chiant. Les deux premières pistes ne sont pourtant pas les plus « accessibles » du lot, pour peu que l’on aime les musiques un tant soit peu harmonieuses. Dali nous propose une immersion bruitiste dans les sonorités les plus austères que semble pouvoir fournir cet instrument inconnu. Sur une bonne partie du morceau il parait d’ailleurs absent – l’électronique étant plutôt de mise ici – ponctuant néanmoins la trame de sursauts graves et profonds. De son côté, Encore reprend approximativement la même recette, mais quitte la pénombre : le lourd devient léger, le grave devient aigu, le nulle-part devient demain.

Passés ces deux premiers pavés, l’évolution progressive amorcée continue son petit bonhomme de chemin avec Eobu Nolae, sur lequel, d’une part, le geomungo montre tout son potentiel rythmique, offrant à ce morceau de surprenantes allures d’afro-blues, et d’autre part l’électronique flirtant doucement avec des résonances dub. Le résultat est assez bluffant et pour ainsi dire (n’ayons pas peur des mots) unique. Dans un style différent, cette recette se retrouve un peu plus tard avec Swordfish, dont la structure en 3 temps suffit néanmoins à changer subtilement la personnalité qui s’en dégage.

Avec le titre éponyme Hwal, on entre dans une brèche abstraite, presque avant-gardiste, du duo. Ce n’est plus ici la rythmique ou même la personnalité de l’instrument qui sont en jeu, mais sa puissance. Les cordes, tantôt pincées tantôt frottées, semblent explorer les capacités spatiales de Keda. Un titre intense mais plutôt bref qui mène au petit joyau de cet album : La Lune de Corée. L’association des talents de E’Joung Ju et Mathias Delplanque montre ici tout son potentiel, avec puissance et raffinement.

Pour les puristes (et les curieux), La Lune de Corée est également présent en version instrumentale en fin d’album. Un album que l’on vous conseille évidemment chaudement, offrant une belle parenthèse (lol) dans cette année musicale 2016. Disponible chez Parenthèses Records en digitale et en CD.

Adrien

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