C’est une formation atypique. Trois gars. Deux pianos. Une batterie. Et quelques menues sonorités électroniques samplées par-dessus. C’est Aufgang, qui vogue quelque part entre musique classique et musique électronique.
Leur premier disque, ils l’ont appelé Aufgang, tout simplement. Sorti en 2009, il commence par quelques minutes d’une mélodie plaisante, posée sur une gentille rythmique à quatre temps. Par-dessus la batterie d’Aymeric Westrich, les pianos de Francesco Tristano et Rami Khalifé brodent, se croisent allègrement. Et petit à petit le ton monte, la percu se fait plus dense pendant qu’une main gauche devient carrément insistante sur son clavier. Au milieu de ce son de plus en plus plein, percent délicatement quelques notes aigues. Isolées, elles semblent désordonnées et tissent pourtant un ensemble très cohérent. Imperceptiblement, le trio nous emmène une autre ambiance. Plus sombre, plus pesante. Piano torturé sur basse continue synthétique.
D’un morceau à l’autre, leur musique oscille ainsi entre des compositions en apparence déstructurées – mais en réalité très construites – et des passages à la rythmique implacable. A coup d’harmonies qui transpercent et franchissent allègrement les limites de la dissonance dès que c’est nécessaire. Par moment ça cogne. D’autres fois, c’est doux. Toujours ça surprend. Le souffle court à l’issue du torturé « Channel 8 », on reçoit par exemple une délicate dose de musique baroque. Enfin, de la musique baroque qui accueillerait une batterie et quelques samples. (Mais sans piquer comme le baroque-core de ce brave Igorrr.)
Techno + piano à queue en contretemps
L’interlude baroque est bref. Retour ensuite aux ambiances délicatement torturées des premiers morceaux, puis délicatesse encore une fois. Chaque fois qu’on s’installe trop longtemps dans un état, que ce soit la frénésie ou le rêve, Aufgang nous en arrache pour nous relâcher quelque part du côté de son exact opposé. On finit même par presque frôler la techno en atteignant le morceau éponyme. Mais de la techno avec un piano à queue en contretemps.
C’est par ce disque incroyablement riche et précis qu’Aufgang a fait irruption dans nos oreilles. Mais ce n’est que le disque. L’an dernier, nous sommes allés les voir à la Gaîté lyrique, dans une soirée offerte au label Infiné. La tête d’affiche du jour était Agoria, mais le meilleur moment était sans aucun doute la performance d’Aufgang. Sur scène, leur formation fonctionne à merveille. Déjà, les deux pianos qui se font face, encadrant la batterie : ça a de la gueule. Ensuite, c’est puissant, vraiment puissant. Bon, ce n’est pas forcément la musique la plus évidente pour danser. (Du coup, les petits clubbers semblaient bien décontenancés et rien que pour ça, c’était jouissif). Mais même quand on ne trouve pas le rythme sur lequel bouger, cette musique emplit l’espace, et nos cerveaux avec. Recevoir leur « Sonar » en pleine poire en les voyant sauter frénétiquement sur leurs claviers, ça fait son petit effet. Bien plus qu’un « hot dog à la carotte cuite ».
Colin