Comme beaucoup de petits jeunots, on a plus ou moins découvert Clark en 2006 avec son génialissime Body Riddle. Bien que follement vintage, l’enchainement des 11 titres de cet opus de légende semblait faire souffler un vent de renouveau sur le monde pourtant si éclectique de l’electronica. Des morceaux tels que « Herr Bar » et « Ted » font désormais partie de l’histoire, tant et si bien que les sorties successives de Turning Dragons et Totem Flames ont été quelque peu éclipsées, ou ont en tous cas beaucoup moins fait parler d’elles. Et comme chez Tartine de Contrebasse on est toujours à la pointe de l’actualité, on brave la tradition qui voudrait que l’on puisse souhaiter la bonne année jusqu’au 31 janvier, et on attend février pour vous parler d’un album sorti en 2012. On met quatre mois à se rendre compte que Iradelphic est sorti, on met deux mois à l’écouter, et on attend encore deux mois pour en parler.
De rien, ça nous fait plaisir.
C’est donc de nouveau chez le cultissime label Warp que Chris Clark relance la machine. Et Clark c’est un peu comme les francs-maçons : tout le monde le connait, mais personne ne sait réellement bien ce qu’il fait. Malgré cela, dès les toutes premières notes du tout premier morceau, plus aucun doute sur la provenance. Aucun plagiat possible : ce « Com Touch » est de Clark ou n’est pas. Beaucoup critiqueront la « simplicité » de sa musique, que « ça ne casse pas trois pattes à un canard ». Sauf que, en vrai, on s’en fout. Sa musique est unique, elle a quelque chose qui nous transporte, quelque chose de galactique, et on ne lui en demande pas plus.
La nouveauté (par rapport notamment à Body Riddle) vient dès « Tooth Moves » – le second morceau – avec une guitare semblant tout droit sortie d’Interstella 555. On est un peu surpris, pas forcément déçus, mais on attend un peu de voir la suite tout de même. Et la suite justement semble vouloir vous lâcher, vous abandonner sur le bas côté sans aucune explication, avec pour seul repère les montées et descentes de vos canaux auditifs. Les deux minutes de « Skyward Bruise Descent » vous remettent à plat : du réel IDM, une rythmique quasi-inexistante, du headache version coton chirurgical à la limite du drone, mais un retour aux sources après cette excursion inopinée dans le monde de l’easy-listening.
Arrive enfin « Open » , et là on ne sait plus sur quel pied danser. Clark a invité Martina Topley Bird pour l’accompagner au chant. Un peu décontenancés, on se laisse pourtant dodeliner, on oublie un peu qu’il s’agit du même artiste, on écoute, et encore une fois on attend la suite. La tentative est courageuse, dénature un peu ce qui faisant de Clark un artiste singulier, mais reste allégrement audible.
Ce choix musical perdure sur « Secret » et « Ghosted » , deux morceaux qui, bien que partiellement chantés, renouent avec l’IDM tant apprécié. On est tellement en alerte à ce stade de l’écoute que le doux clavier de « Blackstone » est en passe de nous faire croire en une interlude. C’était sans compter sur la quintessence de Clark que l’on recroise un peu par hasard sur « The Pining » , décliné ici en trois pistes successives (judicieusement nommées Pt 1, Pt 2 et Pt 3). Grincements et suintements. Cordes et électrochocs. Énergie et harmonie. Nous voici partiellement rassurés, l’album n’est pas fait que de tentatives (habiles ou non), et ce trio forme en quelques sortes le cœur de l’album. On en profite, car on devient quelque peu sur la défensive.
Pour clore l’album, « Broken Kite Footage » ne vient pas vous remettre une nouvelle claque. Il vous berce, vous laisse dans vos songes, comme laissant le temps aux plus septiques de se faire une idée sans pour autant essayer de les convaincre une dernière fois. Bon, on a quand même envie de le réécouter pour en avoir le cœur net, c’est peut-être bon signe.
Vous l’aurez compris, cette dernière production de Clark ne fait pas l’unanimité. On notera l’audace d’avoir tenté la nouveauté, en regrettant néanmoins ce qui avait fait le succès de certaines de ces précédentes galettes : le punch, l’énergie, et la déstructuration totale des tempos. Malgré une hétérogénéité frappante, il reste l’originalité, on en attendait pas moins, même si l’effet est moins flatteur qu’auparavant.
L’album est en écoute sur Grooveshark et sur Deezer, également disponible chez Warp et sur l’iTunes store.
Adrien