Si le format EP est un peu souvent bâtard car soit trop court, soit trop long, il possède au moins le mérite de susciter la curiosité, je pousserai même jusqu’à dire qu’il laisse le bénéfice du doute, quelque part. Je sais pas vous, mais personnellement, les deux derniers EP qui m’ont claqué c’était Monster de Bong-Ra et Fool The Detector de Venetian Snares. En 4 morceaux chacun, la messe était dite, et j’étais sur le cul comme avec un double album de Tool. C’est pour dire. Depuis, je suis soit resté sur ma faim, soit l’EP était trop long pour dissimuler les faiblesses. Bon, vous me direz, et vous aurez doublement raison, 1) ça commence à dater un peu, coco, et 2) on est pas là pour parler de Breakcore.
Oui, oui, alors j’arrête ma digression. Simplement, à la sortie de Breath, ce long EP de LeGaScred, j’étais en même temps enthousiaste et un peu craintif, car sur un format court comme celui-ci, il faut savoir aller droit au but sans se perdre dans les fioritures comme on peut se le permettre sur un album. Et pourtant, il est important de créer une atmosphère, afin de ne pas rester vide de sens, et ces fioritures sont justement là pour ça.
Il apparaît que le gars arrive sans trop soucis à développer une identité qui lui est propre, logiquement et rondement définie par une intro pas prétentieuse pour un sou, et des remixes qui servent bien le propos. A l’intérieur, on trouve un peu de tout, un peu de bordel, des rythmes qui paraissent sûrs mais que l’on devine un peu hésitants, du glitch et des nappes comme il est coutume d’en saupoudrer en ce moment, et des petits bouts de trucs qui apparaissent de temps en temps, plus comme une proposition que comme une affirmation : quelques voix, quelques cordes par ci par là. Cet EP est construit mais furtif. Ne pas affirmer trop longtemps les rythmes qui fonctionnent, ne pas en faire un leitmotiv abrutissant. Alors les nappes glitchées et autres transitions succèdent aux développements en bonne et due forme. On a un peu l’impression que les morceaux sont constamment en intro ou en conclusion, et qu’il faut tendre l’oreille pour les quelques (dizaines de) secondes ou l’on pourra dodeliner du chef sur un rythme clair et bien identifiable (Les Courtilles). On aimerait peut-être que ceux-ci soient plus affirmés, sans peur, comme dans B612.
ça tient la route (ou ça colle au bitume, c’est selon)
Ashtar et Apophyse sont deux facettes mises côte à côte, et souligne l’aisance avec laquelle LeGaScred passe d’une ambiance à l’autre, d’un drone nébuleux glitché à une bass music lente et rythmée. L’identité est propre est bien définie, mais pour autant les facettes sont multiples.
Tout ceci est lent comme une flânerie sur le béton, on prend cinq minutes à regarder le moineau dépouillé s’égayer dans un carré d’herbe survivante entre deux plaques de trottoir. La chaleur monte du sol et les odeurs sont tenaces. On regarde les recoins, les rebuts de la ville, ce que l’on essaie de camoufler. Ce n’est pas noir, ce n’est pas de la morosité ou de la dépression, c’est simplement le béton crade et sans charme qu’on ne peut s’empêcher d’aimer, puisque c’est le nôtre.
Alors bon, même si ce Breath de LeGaScred ne m’a pas fait m’assoire par terre en titubant comme l’on fait les deux chefs-d’oeuvre cités plus haut (et c’est pas bien grave, puisqu’on parle pas vraiment de la même chose) (en fait j’aurais pas du les mentionner, cet article aurait été beaucoup plus simple), il laisse tout de même un peu plus qu’une impression de bénéfice du doute. Si le format EP est un peu un entre-deux difficile à gérer, LeGaScred s’en sort très bien, puisqu’il arrive à susciter la curiosité en affirmant sans prétention une identité et une atmosphère bien développées. Il produit très exactement ce que l’on peut attendre d’un EP : un ensemble auto-suffisant et qui en même temps donne envie d’en avoir plus.
Breath, de LeGaScred, c’est gratuit chez Abstrakt Reflections.
Ehoarn