Comme il l’annonce si modestement lui-même sur son site, Keef Baker était déjà à bidouiller son matos à l’époque où Justin Bieber était encore principalement constitué de liquide séminal. Loin de constituer un gage de qualité en soit, force est de constater que son expérience déjà éprouvée chez n5MD, Ad Noiseam ou Hymen Records implique un minimum d’huile de coude à son compteur, et ce n’est pas pour nous déplaire.
Parue chez Hymen Records le mois dernier, la double compilation Dry / Barren est un recueil, un patchwork de ce à quoi l’œuvre de Keef Baker peut ressembler, jusque dans ces moindres recoins. De l’ambient à la bass music, en passant par la drum’n’bass, la techno, le breakcore ou encore le trip-hop. Dry et Barren touchent à tout, à tous les styles, sans aucun complexe, et surtout avec une aisance et un style à chaque fois remarquable. Rien ne lit cette double sortie, l’homogénéité ne crève pas les yeux, si ce n’est dans cette façon très délicate qu’il a de composer chacun des morceaux – tous aussi différents les uns que les autres – comme une réelle narration, le tout dans une mécanique bien rodée.
Dry s’ouvre sur Stumpy’s Christmas Delight, quatre minutes de pur plaisir auditif, soit probablement la meilleure onde qu’une oreille humaine ait perçu depuis que nous nous sommes éloignés de nos anciens cousins Hominiens. Voir même plus. Une rando musicale à ciel ouvert, le style de bande son qui passerait crème dans un clip promotionnel de l’Office du Tourisme Islandais, et que l’on retrouve sporadiquement comme sur Frayed Edges, le très bon Freefall ou encore Yeah don’t worry there’s a good bit at the end.
D’autres morceaux hantent ce recueil d’ambiances SciFi à la Matrix, quelque part coincé entre Rob Dougan, Propellerheads et Massive Attack. Une trame trip-hop d’une amplitude folle qui tend bien souvent à dévier vers un downtempo planant, un breakcore originel ou encore quelques lichettes de bass music bougrement efficaces, on notera Funky Franks Frightening Friday Fistparty, l’excellent remix de Running as Fast as I Can de Tonikom ou encore celui de Your Anger is a Gift de Esa.
Mais ce n’est pas ces quelques morceaux, trop rares au goût de certains, qui définissent le mieux ce double album. On trouve également, et surtout, un ensemble de tracks d’une lourdeur ahurissante venant appesantir cet opus d’un bout à l’autre dans un épais et gras brouillard : Destroyers, Bartled, ou encore le superbe The Flask of Science, petit bijou superposant une trame mélodique réconfortante sur un régime drum’n’bass agressif à souhait. Délice pour les papilles.
Passant allègrement d’un style à un autre sans excuse ni même explication, ce double album est un ascenseur émotionnel ou les époques et les genres s’interpellent, se confrontent et parfois se mêlent. Évidemment il est difficile de tout apprécier dans un tohu bohu pareil, mais la corollaire est également vraie, et en l’occurrence pas qu’un peu. Pas la peine de m’attarder sur chacune des 35 pistes qui forment ce diptyque, comme vous l’aurez compris il y en a pour tous, pour toutes les humeurs, à moins que la patte Keef Baker ne vous fasse aucun effet, auquel cas cela signifie que nos goûts divergent ostensiblement, mais on ne va pas se mentir, cela ne sera ni la première ni la dernière fois.
Dry et Barren sont disponibles depuis le 15 septembre chez Hymen Records en cliquant sur leurs petits noms respectifs en début de phrase.
Allez quoi, un incontournable ça vaut bien 10 balles, non ?
Adrien