Konntinent – The Empire Line | Le chant du cygne

The Empire LineIl existe des labels qui ne cessent de nous surprendre. Plus rares, il existe des labels qui ne cessent de nous surprendre de manière positive. Et la dernière année passée du plus anglais des labels nippons Home Normal (qui va devenir incessamment sous peu le plus nippon des labels anglais) a été plus que faste, proposant des bijoux d’ambient organique et de drones éthérés par Hotel Neon, Fabio Orsi ou Olan Mill pour ne citer qu’eux. Dernière sortie programmée avant une pause bien méritée pour Ian Hawgood et sa maison, on va causer aujourd’hui de l’ultime travail d’Antony Harrison sous son pseudo Konntinent, intitulé The Empire Line. Mais avant toute chose, il est nécessaire de replacer cet album dans la discographie de l’artiste.

Officiellement, le projet Konntinent s’est clos peu après la sortie de Closer Came the Light, également chez Home Normal en 2012, car Harrison souhaita alors se consacrer entièrement à son nouvel alias Paco Sala, bien plus orienté synth-pop psychédélique qu’ambient asynchrone (et on sent d’ailleurs bien que c’est une période de transition entre les deux facettes de l’artiste). Cependant, nous voilà maintenant au printemps 2015 avec une pré-commande disponible pour un nom qu’on pensait ne plus revoir. Ce n’est pas pour autant un retour de Konntinent du royaume des monikers enterrés, car en creusant un peu, on apprend que The Empire Line a été originellement composé comme la suite naturelle de Opal Island en 2010, très peu de temps après la sortie de ce dernier. On supposera que Ian Hawgood a exercé sa magie analogique sur Antony Harrison pour le convaincre de sortir cet album planqué depuis plus de cinq ans dans ses poches. Et vous vous doutez que c’est pour notre plus grand plaisir, sinon je me serais pas fait chier à écrire une introduction interminable.

Essentiellement composé autour du trio guitare acoustique / piano / voix, l’album nous invite dans l’intimité de l’artiste grâce à des ambiances relativement fermées et une débauche de sons au caractère aléatoire, prêt à nous laisser explorer des recoins oubliés de sa mémoire. À l’image de souvenirs diffus errant dans les tréfonds hippocampiques, des détails sonores apparaissent et disparaissent sans cesse de notre vue, plus ou moins nets, plus ou moins présents. Les mélodies claires du piano seront souvent rejointes par des craquements et parasites inopinés, les voix délicates de Cuushe ou Antony Harrison lui-même sauteront ou boucleront régulièrement comme si une partie de leur substance avait disparu définitivement au profit de leur intonation, comblées par des bribes glitchées et des rythmes déconstruits, la justesse et la légèreté de certains airs seront balancées par la dissonance et la mélancolie d’autres.

On appréciera alors se perdre dans les collines aux contours brumeux de In Your Continued Absence, se laisser envahir par le sentiment d’émancipation produit par la conversation piano et voix de Tensile Strength, ou encore subir la montée en puissance bruitiste et expiatrice de la piste éponyme. Un véritable patchwork sonique où le fil de l’improvisation et l’aiguille de la spontanéité cousent ensemble des pièces de micro-éléments très différentes les unes des autres, mais forment au final un quilt émotionnel cohérent et resplendissant, que j’imagine bien représenter de manière évasive des souvenirs forts de Konntinent. Mais leurs dix illustrations resteront aussi mystérieuses et ouvertes à l’interprétation que l’artwork ou le titre de l’album volontairement choisis pour leur aspect hermétique, ce dernier faisant d’ailleurs directement référence à la famille de l’artiste.

Un travail patiemment confectionné qui m’évoque beaucoup Akari d’Illuha, sorti chez 12k l’année dernière, les deux albums partageant cette débauche de sources sonores sans jamais sombrer dans l’excès ; un équilibre subtil où additionner ou soustraire un son dénaturerait l’ensemble du morceau. Et comme celui-ci, on reviendra en boucle sur The Empire Line pour essayer d’en capturer tous les détails intriqués, de comprendre ce que les voix effacées essayent de nous dire, d’extraire les émotions entremêlées au sein de chaque composition, et se rapprocher imperceptiblement du jardin secret du compositeur.

Un album fort et sensible que je n’hésiterai pas à qualifier de magnum opus dans une discographie qui se figera définitivement cette année, dont on sent parfaitement à quel point Harrison y a mis une partie de son vécu. Et malgré sa réalisation antérieure à l’arrêt de Konntinent, il est difficile de ne pas considérer son allure d’ultime rétrospective sur le projet et d’adieu définitif à un alias qui aura réellement porté son créateur.

Profitez d’ailleurs des réductions estivales pour choper la version physique sur le Bandcamp de Home Normal, c’est moins cher que le digital seul. C’est-y pas beau ça ?

Dotflac

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