Des étendues salines aux portes du désert, il existe des paliers qu’il est bon de savoir franchir. Si la musique de Seabuckthorn fleure bon les grands espaces arides (« desert caravan music » pour reprendre les termes d’un ami), c’est pourtant un visuel plein d’effluves marines qui vient recouvrir They Haunted Most Thickly. Une vague scélérate en formation, comme autant de mouvements qui viennent entrechoquer les 12 cordes d’Andy Cartwright. Référence à Gustavo Santaolalla oblige, Seabuckthorn nous livre ici un véritable succédané de bande originale des plus grands succès d’Alejandro González Iñárritu (vous savez, avant Birdman). Empreinte des émotions languissantes caractéristiques du genre, les morceaux qui peuplent cet album enfoncent d’avantage encore l’appel aux émois, plongeant l’auditeur à la fois dans la gravité et dans la légèreté de l’instant, tournant son regard tant vers l’extérieur que vers l’intérieur.
Et ça fonctionne dès les premières notes de Eve Of The Rains. L’éternelle ritournelle ascendante se répète, se renforce et s’emplit d’espoir. La vitesse de l’arpège s’associe à la lenteur de la mélodie pour hisser haut et fort les couleurs du réflexe pilo-moteur au niveau de la nuque. Arrangements épurés et sonorités cristallines, en seulement trois minutes ce premier morceau passe en un éclair et accroche l’intérêt. Une ambiance que l’on retrouve éparpillée tout au long de They Haunted Most Thickly, notamment sur le très bon Let The Night In.
Changement de ton sur His Way Became Lost. Le résonateur prend de l’ampleur et la chaleur se fait plus pesante. Les métaphores désertiques poussent au portillon mais non, nous n’y céderons pas. Du moins pas par écrit car plus que jamais la musique de Seabuckthorn a un indéniable et inévitable goût d’ailleurs. Une lourdeur qui sent le crottin et la poussière que l’on rencontrera de nouveau sur Road From Zammour à un stade un peu plus avancé de l’album.
Mais si jamais vous aviez déjà eu votre dose de canicule (ou si vous frôlez l’overdose de cordes) ne quittez pas, car quelques morceaux plus rythmés/variés/légers/profonds (rayez la mention inutile) viennent également agrémenter le décor, et c’est sans difficulté que nous avons personnellement placé nos coups de cœur parmi ces derniers. Là où Heavy Calm reprend, mélange et sublime avec brio les ingrédients des trois premières pistes (non, je ne vous ai pas parlé de la troisième, mais je vous fais amplement confiance, vous saurez la trouver) en y ajoutant même une touche de cordes frottées, Slowly, Slowly Thunder accentue encore l’aspect narratif et fournit un véritable regain d’énergie à l’approche fatidique de la fin de l’album.
Un album hanté et hantant. Un truc qui tourne en boucle facile. Et une production hexagonale chez nos confrères de Bookmaker. Disponible en digital, disque ou vinyle ici, ici ou ici.
Adrien