James Welburn – Hold. Retour en Picardie.

James Welburn BoldChez Tartine, on a été quelque peu circonspects à la réception de ce James Welburn. D’abord parce qu’on a jamais entendu parler du garçon, ensuite parce que l’étiquette « drone + batterie répétitive» ne nous alléchait franchement pas. Pour être honnête, si ce n’était l’identité du pourvoyeur, on aurait probablement jamais pris la peine de donner sa maigre chance à James, nos regards ne se seraient jamais croisés, la face du monde n’en aurait pas été changée, mais c’est tout un univers de possibles et de probables qui se seraient effondré, et, qui sait, peut-être que James aurait noyé sa peine de ne pas être chroniqué par Tartine dans l’alcool et les champignons polonais, et aurait fini par commettre un meurtre de masse dans un champ de blé pour expier sa haine envers la webo-zino-blogosphère. Mais je divague.

Pour faire simple, disons que la maison-mère est Miasmah, et que comme Miasmah nous a récemment gratifié des meilleures chiures qualitatives de gens globalement inconnus au bataillon et voués à l’échec et à l’anonymat que sont Andrea Belfi, Aidan Baker et Eric Skodvin (sous l’avatar B/B/S/), on s’est dit qu’on allait quand même essayer de consacrer une petite heure au petit James.

Soyons francs : Hold n’est pas un album exceptionnel. En tous cas pas un de ces grands albums qui savent diriger leurs retombées affectives au-delà des cercles convenus et délimités par les genres qu’ils prétendent toucher. Non, Hold ne vous touchera que 1/ si vous aimez le drone, et 2/ si vous aimez le rock répétitif, et 3/ si vous acceptez qu’on puisse mélanger les deux, ce qui, j’en conviens, fait beaucoup de conditions préalables pour un seul album, fut-il de Miasmah.

Bon, ok, mais alors, pourquoi une tartine ? Hein ? Merde à la fin.

Déjà, simplement, parce que ça fonctionne, et c’est déjà une prouesse. Il se dégage assez immédiatement de cet album une humilité, une distance et une simplicité du propos plutôt agréable. Pas de grandiloquence ici, pas de mise en scène de soi et de son œuvre, pas de pédance, pas de démonstration technique insupportable et non justifiée, James Welburn s’excuse presque d’être là, poussant la prévoyance jusqu’à nous prévenir avant même l’écoute (dans le press kit) qu’on aura affaire à de la batterie sérieusement répétitive (âme sensible s’abstenir). Sous-entendu « bon, moi j’ai fait ça hein, mais bon, voilà, je préfère vous prévenir avant que vous allez peut-être pas aimer » (la syntaxe pourrie fait partie du fantasme). Probablement pas le genre de mec à jouer au léopard des neiges, à gonfler le torse et les trois poils qui vont avec et à te dire, au détour d’une interview, que sa musique est meilleure que celle des autres, en y ajoutant quelques scuds savamment dosés pour assurer sa crédibilité dans le milieu en jouant de ses épaules de Jean-Michel batteur pour kermesse du dimanche dans le Montana. Me peut-être me plante-je.

Le premier morceau nous met directement dans le bain, et si l’attention est captée de la façon la plus honnête qui soit (et donc pas forcément la plus sexy), ce n’est qu’en se laissant aller au fil des 10 minutes effectivement extrêmement répétitive que l’on prend la mesure de la puissance déployée par sa musique. Avec une progression d’une lenteur, d’une finesse et d’une efficacité dignes des meilleurs producteurs de drone, le morceau se fait de plus en plus enveloppant, sans heurts, pour arriver à la saturation finale dans laquelle on se complaît si facilement qu’on en est presque étonné. Ça a un petit goût de cuivré, forcément, ça le goût d’une bonne grosse nappe faite avec trois bouts de rien, c’est bon comme un marshmallow grillé sur une plage de Picardie. Un poil prolo, mais avouez qu’on y revient tous un jour.

Et mine de rien, James Welburn vient d’installer sa recette et de nous la faire avaler comme une bonne endoscopie sous anesthésie locale, et le plus gros est fait. Ensuite, il ne s’agit plus que de dérouler le bordel en maintenant assez de diversité pour qu’on ne se fasse pas chier au bout du 3e morceau. Et c’est exactement ce qui se passe. Alors oui, parfois on pense subrepticement à JK Flesh lors d’une intro (Peak), ou bien à Switchblade sur Transience, souvent on essaie d’éviter de penser à Swans, mais ça tient la route, ça a la patate, ça n’en finit pas de se languir, et c’est franchement pas prise de tête, d’autant plus que le mantra semble bien être « keep it simple », sans non plus oublier de se faire plaisir et de scénariser un peu le tintouin.

Mais le plus intéressant, dans cet album, c’est son processus. Parce qu’il se place à l’inverse de beaucoup des œuvres qui prétendent dévier du genre et questionner les limites du rock. Oui-da, le milieu (mais pas que lui d’ailleurs) n’est que trop pourri de gens qui prétendent faire mieux que tout le monde, soit parce que c’est inédit, soit parce que ça ne l’est pas, mais mieux exécuté. De fait, les limites sont repoussées, mais ne le sont souvent que par des weirdos complètement hermétiques au monde qui les entoure, mus uniquement par le besoin de faire toujours plus, d’aller toujours plus loin dans la direction qu’ils ont choisie et dont il ne savent plus dévier. Résultat, vous obtenez de graves dérives sectaires, et parfois, en concert, vous finissez par vous demander si on se fout pas un peu de votre gueule.

Cet album de James Welburn se place à contre-courant de ce processus créatif autistique et nombriliste, car il revient aux gimmicks fondamentaux de création artistique, dont la contrainte auto-infligée fait partie. Parce que certains artistes sont conscients de produire mieux lorsque dans un cadre contraignant, ils se l’infligent eux-mêmes, et le distillent jusqu’à en sortir l’essence même, jusqu’à l’essorage total. C’est ce que l’on retrouve ici avec Hold. Le drone-rock à batterie répétitive est la contrainte, l’album évolue et explore toutes les pistes possibles à l’intérieur de ce cadre, et est finalement beaucoup plus créatif qu’un bon nombre d’enfoirés qui se touchent la nouille en prétendant faire quelque chose de neuf. Rien que pour cela, cet album a l’ampleur d’un objet descriptif posant des bases, a la carrure d’une étude complète sur le sujet, a vocation à faire date dans les archives, et mérite votre attention. Et au-delà de toute cette intellectualisation à la mord-moi-le-nœud, le drone + batterie répétitive, c’est d’la balle.

Pour claquer ta thunes, c’est ici. N’oublie pas d’aller faire un petit tour chez B/B/S/, c’est bien, on te dit.

P.S. : Pour les gros furieux, voici un petit bonus quant auquel nous déclinons toute responsabilité concernant les dommages infligés par celui-ci.

Ehoarn

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