Yann Novak – Prelude | États superposés

PreludeField recording et courbure temporelle, voilà une vision simplifiée de ce que Yann Novak a l’habitude de nous proposer depuis presque une décennie. Avant tout sculpteur sonique, il modèle essentiellement des créations présentées sous forme d’installations spécifiques à des exhibitions, ce qui ne l’empêche pas de manipuler et improviser les sons lors de performances marathoniennes en d’autres endroits. Toujours est-il qu’on profite très régulièrement des adaptations stéréo de ces travaux, à un format humain, lors de sorties chez ses potes de Line, Farmacia901, ou tout simplement chez lui sur Dragon’s Eye Recordings. Aujourd’hui, c’est avec les colombiens d’Éter Editions qu’il a décidé de collaborer, proposant la version mini d’une installation présentée en début d’année par le collectif homeLA, dont le motto est d’utiliser la philosophie et l’architecture propres à la Cité des Anges comme inspirations à des évènements prenant place en résidences privées.

Si un mirage émettait du son, je suis persuadé que ce genre de composition émergerait du néant. Hors du temps, hors de la réalité, frontalement immuable mais à la dynamique aussi réelle que subtile, tout ce que racontent ces morceaux relève de l’illusion. C’est encore plus vrai pour Prelude ; installation prenant place dans l’âtre de la cheminée d’une habitation de Los Angeles, elle accueille les visiteurs qui pénètrent la maison. Cependant, c’est d’un enregistrement effectué dans le jardin que la pièce est née ; une volonté de briser les notions d’intérieur et d’extérieur meut naturellement San Marino, de manière imperceptible mais définitive, brouillant les sens et suggérant une communion éphémère entre l’auditeur et des environnements qui ne coexistent jamais. Le cœur de la maison prend soudainement vie, battant au rythme de la piste et inondant la bâtisse de drones nébuleux constamment balayés par le souffle du bruit blanc.

Comme un mirage, Prelude courbe localement la réalité, désynchronise la vue et l’ouïe pour mieux marquer l’esprit. Un paradoxe spatio-temporel qui n’existe que tant qu’on y prête attention, disparaissant dès que l’hôte s’éloignera vers une autre pièce. Mais a-t-on vraiment envie de poursuivre la visite ? N’est-on pas agréablement dérangés par ce décalage entre les sens, toujours traité en douceur ? Car comme l’image d’une oasis au milieu du désert, San Marino est une balise dont on semble ne pas pouvoir se décrocher, happés par les mouvements circulaires des sons. On se transforme en bête de Schrödinger, présent en deux lieux et deux états à la fois, sans pouvoir affirmer où l’on se trouve tant que l’on garde les yeux fermés. Et pas besoin d’avoir été à Los Angeles pour l’expérimenter : un casque, les lumières éteintes, et on peut aussi détourner momentanément le cours du temps chez soi et s’imaginer ses réalités alternatives.

Une ligne de conduite à laquelle Yann Novak se tient au fil des sorties. Bien que je retiendrai pour ma part plus son suggestif Snowfall ou ses collaborations avec Richard Chartier et Taylor Deupree, Prelude est un mini lancinant et obsédant qui offre des sensations proches de ces derniers, mais dont la durée le rend plus facilement digeste. Parfait pour ceux qui ne connaissent pas encore l’artiste, et substanciel pour les autres qui évoluent déjà en territoire minimalistes.

Vous trouverez ce mini au packaging tout mignon sur le label ou chez l’artiste, au même prix.

Dotflac

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