Si John Chantler est loin d’en être à son premier coup d’essai, c’est en tous cas Still Light, Outside qui nous aura ouvert les yeux sur ce compositeur d’origine australienne actuellement exilé en Suède. Il quitte pour l’occasion Room40 pour créer 1703 Skivbolaget, son propre label.
Et ce n’est pas faute de moyen car pour son dernier album, John a mis les petits plats dans les grands en se payant directement les services d’un orgue, un vrai. C’est en effet dans l’église St John-at-Hackney de Londres qu’eurent lieu en 2014 les premiers enregistrements destinés à Still Light, Outside, avant que le tout ne soit mixé en Suède, sur son synthé.
L’album débute sur le titre éponyme, Still Lought, Outside. Neuf minutes d’une lente et transcendantale ascension. D’abord léger, presque fluet, le timbre lointain de l’orgue se précise graduellement. La mélodie semble d’avantage flotter alentours que déterminer la progression réelle du morceau. Le ton commence à saturer et la combinaison de l’orgue et du synthé démontre alors progressivement tout son intérêt. Nappe après nappe, le volume augmente, s’épaissit, se dissout et se distord. La pression augmente au niveau de la cage thoracique, John Chantler nous porte haut (et court) aux frontières du drone et de la noise, là où ne subsiste plus qu’un bourdonnement à la fois complexe et primitif, jusqu’à nous lâcher finalement à la limite de l’apoplexie. Une puissance sonore qui, à n’en pas douter, se doit d’être exceptionnelle en live, à l’image de ce que peuvent représenter dans leurs styles Ben Frost ou Fennesz.
The Long Shadow of Decline forme la seconde partie de l’album, déclinée en trois mouvements. D’aspect plus minimaliste, cette trilogie continue d’explorer l’orgue comme base arrière mais dans des ambiances plus feutrées. Touchant tour à tour aux gammes opposées d’une tessiture monumentale, John Chantler laisse ici d’avantage s’exprimer les éléments annexes de l’orgue, nous plaçant ainsi au cœur même de l’instrument : clés, leviers, ressorts, soupapes, etc. L’instrument ne crie plus, il prend vie. Les compétences du synthétiseur sont également mises en valeur de façon un chouia plus ostentatoire. Ça tape dans les aigus dans la première partie, avant qu’un sursaut de nerf ne vienne tinter le second mouvement, pour laisser l’orgue venir, comme le titre l’indique, décliner lentement sur l’ultime chapitre.
De l’instrument le plus massif et le plus clérical au monde, John Chantler extirpe des symphonies extrêmement contemporaines, parfois abstraite, bien loin des domaines qui lui sont d’ordinaires réservés. Il se dégage inexorablement de ce Still Light, Outside toute la puissance cathédrale et le respect caractéristique de l’orgue, la liturgie en moins.
L’album est disponible ici et ailleurs.
Adrien