Énigmatique artiste de son état, Wolf Maps est un musicien britannique fou de guitare. Et c’est tout ce qu’on saura de lui. On notera tout de même son rapprochement régulier avec le label Futuresequence, auteur de la série pleine de talents des Sequence et d’un de mes plus gros coups de cœur 2014 qu’est What Wind Whispered to the Trees par Siavash Amini. Après une première apparition assez oubliable avec Landforms, j’ai été réellement converti l’année dernière, quand l’artiste a sorti incognito sur son Bandcamp l’album Endless, où les flots de guitares denses et autres mélodies distantes ont bénéficié d’un traitement lo-fi typique des bandes magnétiques, rendant la musique chaude et enveloppante mais aussi impalpable voire mystique. Une voie que Wolf Maps continue à explorer depuis. Et après des prémisses prometteurs sur l’EP sorti plus tôt cette année et l’annonce d’un long format (tout est relatif) à venir, Purity est enfin arrivé entre nos mains.
Et c’est dans les mêmes atmosphères diaphanes déjà visibles à la fin de Sun Ghosts que l’on se retrouve, évoluant dans un ciel chargé balayé par les courants horizontaux, laissant la musique nous porter au gré des aléas météoro-acoustiques. Bien que des pistes comme Some Waves ou Velvet Night nous proposent des mélodies intelligibles et arrivent à nous guider dans l’œil du cyclone à intervalles réguliers, cette sortie se veut globalement plus dense, dissolvant ses strates de guitare dans des souffles analogiques lourds mais nécessaires pour purifier l’auditeur. On pourra toujours aborder Purity en y cherchant le détail, en se concentrant pour visualiser les doux glissements des harmoniques qui créent des pistes bien plus mouvantes qu’elles n’en donnent l’impression. Mais le but avoué est pourtant plus simple et louable : laisser les matelas de guitare guider nos pas vers les hauteurs de la tranquillité, et éventuellement atteindre le bout du chemin pour se laisser tomber dans le ciel avant de se faire vaporiser l’esprit en volutes fractales.
Une fusion avec l’immensité mais sans renonciation à la conscience, car l’album se cantonne à une trentaine de minutes tassées qui éviteront à l’esprit de se disperser sur le schéma du corps. Une cohésion gardée grâce à la brièveté du travail, rédhibitoire au départ mais finalement indispensable pour ne pas se perdre. Huit mouvements qui dessinent huit instants extraits de la ligne temporelle universelle, et les étirent jusqu’à flouter leurs contours. La bise délicatement abrasive de Glower ou la boucle mélodique lacrymale de So Sacred (qui ne dure quand même pas assez longtemps) sont symptomatiques de ce pouvoir spatio-temporel éphémère, laissant passer la lumière en point de fuite mais brouillant la voie d’accès à l’au-delà. Un avant-goût de l’apaisement qui demandera à l’auditeur de fournir la dernière impulsion avant d’atteindre sa bulle de paix ; et si l’esprit est en phase avec le moment, la dernière piste éponyme écartera les ultimes rideaux nébuleux de notre voie pour nous laisser voguer seuls vers les ailleurs immaculés.
C’est sans aucune prétention et avec une facilité remarquable que Wolf Maps nous emmène en cieux inconnus, montrant du doigt l’endroit hors d’atteinte de l’agitation en ce bas monde, et nous offrant un aller simple à condition d’y mettre un soupçon de volonté. Des images de nuages soumis au ressac des alizés et de soumission à l’impondérable qui rappelleront volontairement une chronique d’un certain The Sea in the Sky. Sorti presque simultanément au précédent, Purity m’évoque alors les mêmes fresques abstraites et sensations délectables, mais propose juste un autre point de vue tout aussi savoureux à cette expérience.
Et si le seul format physique disponible est une cassette audio (tristesse), il ne faudrait pas te priver de mettre la main sur une copie digitale, cher lecteur.
Dotflac