Scorn – The Only Place | Solfatares

The Only PlaceBon, les présentations sont faites de manière étendue ici pour les hérétiques qui pataugent, et pour ceux qui connaissent déjà Mick Harris, bah je vous épargne une répétition inutile (et m’épargne aussi une introduction au passage de cette pirouette pleine de paresse). Dans les deux cas, il sera toujours pertinent de replacer le contexte dans lequel Scorn évolue, et qu’il aura largement contribué à créer.

Combinaison frontale calculée d’un dub infecté et d’un amour unique pour les basses fréquences, sa musique immédiatement reconnaissable n’est pourtant jamais immobile. The Only Place sonne comme une suite directe au Café Mor qui était saturé d’une épaisse brume pétrolifère ; on découvre là le terrain enfoui dans la purée de pois, après sa dissipation par un vent mauvais. La lourdeur qu’on ressentait sans identifier son origine se révèle devant nos yeux en dix pistes, sans filtre environnemental pour les diluer. L’espace sonore s’ouvre, part se réverbérer au-delà de notre portée et revient nous saturer les voies aériennes supérieures. Ce disque s’installe en territoires volcaniques instables, nous égarant dans des champs infinis de solfatares et de marmites de boue bouillonnantes. Atmosphère épaisse remplie de soufre, chaleur souterraine étouffante, soleil voilé qui rend la réalité que l’on voit incertaine. Paysages hallucinés en nuances de gris et aux reflets jaunes, déphasage temporel comme seul Scorn arrive à me le faire ressentir. L’air ambiant contaminé s’infiltre progressivement dans nos alvéoles pulmonaires et nous ferait presque imaginer à plusieurs reprises des embryons mélodiques, assez rares chez l’artiste pour être signalés. Mais soyez rassurés, la bass music toxique et les structures rythmiques plombées sont toujours et plus que jamais de la partie. On est là pour se prendre des poutres tout de même, pas se faire brosser dans le sens du poil.

La ritournelle de la lenteur d’un projectile balistique proportionnelle à son potentiel destructeur s’applique évidemment à The Only Place ; mention spéciale à Distortion, accompagné par le flow infecté de Kool Keith, qui prend sa place en première ligne sans couvrir l’instrumental en fond, équilibre facilement perdu dans ces domaines où le son est si important. Illbient et Hip-hop on fait un gosse, et il n’hésite pas un seul instant à vous crucifier dans sa prose tumultueuse, puis à vous submerger sous ses wobbles asphyxiants juste au cas où. Saturation des sens aussi dans d’autres pistes comme Thanks for Getting Back et sa ligne percussive faussement fatiguée, ou le ressac textural qui semble vouloir nous aspirer dans les profondeurs d’Ends. Aucune pitié et aucun compromis lors du parcours de ces étendues couvertes de cendres, glissant sur les reliefs au gré de la respiration insidieuse de leurs entrailles. On ne choisit pas Scorn pour sa délicatesse ou sa gentillesse en même temps. On veut ses coups de snare extraterrestres, ses kicks sismiques, sa présence sonore pénétrante. Mais force est de constater une nouvelle évolution dans ce paradigme impossible à confondre, une sensation d’ouverture spatiale, laissant paradoxalement plus respirer les compositions étouffantes de Harris. Une couche de malaise supplémentaire jouissive, très bien retranscrite dans Don’t and Never Have en clôture d’album (et annonciateur d’un prochain sur cette lancée ?), angoissant au possible avec cette abrasion qui passe vicieusement au premier plan en fin de morceau, comme une saturation finale des sens pour se faire oblitérer en beauté.

À l’image du contraste de sa couverture et de ce que The Only Place contient réellement, on approche un nouveau Scorn en s’imaginant avancer en lieux familiers, sceptiques que nous sommes à l’idée d’être encore surpris par une découverte inattendue pour stimuler nos passions chez ce gazier de la crasse fréquentielle. Et si dans une certaine mesure c’est vrai, et la patte sonore de Harris le confirme, il serait même pour Tartine de trop mauvaise foi d’ignorer la tripotée de nouveaux détails qui épaississent encore le mythe de Scorn ; et maintenir cette barre après trois décennies de carrière, ça force le respect.

Ça sort ce vendredi 18 juin chez Ohm Resistance, évidemment, en plein de formats. Et c’est bien fat, donc jetez-vous dessus.

Dotflac

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