Découvert par hasard chez Line, je n’ai pas grand-chose à vous dire de ‘t Geruis car il est plutôt du genre discret. Pas assez pour s’empêcher de proposer des disques depuis deux ans sur des labels tous plus recommandables les uns que les autres cependant, avec une musique à base de répétitions brumeuses juste comme je les chéris.
Rendez-vous sur Quiet Details cette fois, jeune maison fondée par le doué Fields We Found sur le concept que les artistes interprètent ses détails silencieux à leurs manières pour chaque sortie. bvdub et Luke Sanger encensent déjà un petit catalogue prometteur, et ‘t Geruis arrive là avec Terre, Poussière et ses boucles enchantées, délicates comme une chute de flocons débutante sur la peau tiède. Les notes de piano tombent presque par hasard, parfois incertaines, parfois dissonantes, mais toujours étonnamment justes dans nos oreilles. Elles semblent raconter des histoires au bord de l’oubli, rendues quasi-muettes par la cacophonie du monde qui nous entoure. Ces extraits de vie sont ici interceptés dans un baroud d’honneur saturé à l’envi, comme si le bruit de fond de l’existence était plus fort que ces mélodies apoptosiques. L’enregistrement de ce qui se cache entre les détails insignifiants de nos routines, une force constante des bandes magnétiques, magnifié dans une affection particulière à travers dix compositions chargées de fumée grises.
J’en reviens toujours à décrire ces symphonies des interstices, si facilement captées sur des rubans d’un quart de pouce. Les vibrations communicatives de berceuses, sublimées par la distorsion harmonique naturelle d’un médium intemporel. Une musique idéale dans les endroits de transition où rien ne paraît se dérouler, et où pourtant l’on se retrouve dans des césures propices à réceptionner ce qui nous échappe lorsqu’on est occupés. J’écris souvent mes chroniques dans le train ou le soir avant de me coucher, dans ces états intermédiaires fragiles et relativement éphémères, ressentant l’impatience d’arriver à destination et magnifiant de ce fait les évènements invisibles le reste du temps. Les paysages urbains qui défilent habituellement de manière absente et répétitive, mais parsemés d’éléments uniques dès qu’on y penche le regard ; le silence assourdissant du soir, où la vie extérieure se délite et autorise l’esprit à se retrouver face à lui-même, pour le meilleur ou le pire. Un peu comme la musique de ‘t Geruis, qui s’exprime idéalement dans ces zones spatiales ou temporelles d’attente. Terre, Poussière exprime le temps faussement perdu. La lascivité oubliée. L’amour tu. La beauté cachée. L’oxygène dans la passivité. Les cycles entêtants de mélodies rappellent tout cela, et gorgent ces moments de stase par leur simplicité déconcertante. Le piano binaire, simple et si présent de The Kindest Touch ou la mélopée mélancolique d’un lever de soleil nuageux durant In Purple, les réverbérations imparfaites se superposent dans un ensemble pseudo-aléatoire transportant l’esprit dans les entre-mondes propres à l’oxyde de fer. Couleurs délavées et brise capillo-érectrice se croisent, se complètent ou se soustraient dans un ballet des éléments fatigués mais lourds de sens.
Des odes aux paysages et aux intervalles généralement si vite oubliés, portés ici au premier plan pour réaliser leur nécessité dans le quotidien décadent et éreintant qui nous habite.
Trouvez tout ce qu’il vous faut sur le Bandcamp du label.
Dotflac
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