Scratch Bandits Crew : «Le scratch est un instrument à part entière»

Entre deux concerts, nous avons réussi à coincer une heure le Scratch Bandits Crew dans un café, à deux pas de la Maison de la Radio où ils doivent ensuite filer pour un live sur France Inter. Moi d’un côté de la table, eux trois en face, je suis un peu intimidé. Mais ça ne dure pas, la discussion s’engage, facile et passionnante, et Supa-Jay, sous son éternelle casquette, ne se fait pas prier pour raconter leur musique, le processus d’écriture, la scène et quelques autres petits choses. C’est lui qui parle tout le temps, ou presque. Sauf quand on touche aux instruments créés des mains de Geoffresh. Là, c’est l’artisan-musicien qui défend le mieux ses créations.

D’où vient le Scratch Bandits Crew ?

Scratch Bandits Crew est né en 2002. A l’origine, c’était un collectif d’une dizaine de scratcheurs de la région de Lyon. Nous avions 20 ans et nous nous réunissions autour de notre passion du scratch. A l’époque, nous nous retrouvions d’abord autour de performances techniques, dans des championnats. Il y a ensuite eu deux tournants importants. En 2006, nous avons entamé un travail de fond sur la musique et sur la scénographie (lumière, vidéo, décor). Et pour défendre l’idée que le scratch n’est pas seulement une technique, mais vraiment un art. Puis en 2009 nous nous sommes professionnalisés et le groupe a pris sa forme actuelle, un trio de scratcheur.

Quelles sont vos influences ?

La scratch musique est très liés à la culture DJ. Ca vient d’abord du hip-hop, mais c’est aussi très inspiré de la musique électronique. Ensuite, de notre côté, nous sommes aussi très inspiré par la musique « jouée », improvisée, le jazz notamment.

Où allez-vous chercher les sons que vous mixez dans vos morceaux ?

Il y a eu une importante évolution technique dans notre travail. Lors de nos premiers concerts, nous arrivions avec une pile de soixante disques sur lesquels on mettait des petits repères pour aller chercher les sons dont nous avions besoin. Maintenant, tout est numérique. Nous créons notre propre banque de sons, en enregistrant un peu tous les jours. Sans savoir d’emblée ce que nous en ferons, comment nous allons piocher dedans ensuite. Beaucoup de sons sont joués par nous même, surtout la percu. Les autres, nous les avons enregistrés au fil de nos rencontres, entre 2006 et 2012. Nous  avons chacun eu notre propre parcours en parallèle, en jouant avec des groupes hybrides. Sur notre disque, ça doit représenter une vingtaine de musiciens.

Comment on passe de ces sons à des morceaux aboutis ?

Notre objectif est de ne pas singer une musique préexistante. Alors nous définissons un concept d’album et des concepts de morceaux. Là, notre point de départ c’était de jouer des sons acoustiques avec des machines. Les déconstruire puis les reconstruire, pour obtenir quelque chose d’un peu surréaliste. Nous fonctionnons ensuite de manière empirique, par couches successives. Et nous avons également joué avec des voix, pour faire une sorte de cadavre exquis de petites phrases.

On peut tout faire avec des platines. Alors il faut se cadrer. Quand nous composons un morceau, nous distinguons le disque du live et nous pensons dès le départ deux versions, une pour l’album, une pour les concerts. Une en finesse et une qui cherche plus l’énergie.

Pour ces concerts justement, vous accordez également une grande importance à la scénographie.

Oui, pour nos concerts, nous soignons la lumière et la vidéo, ainsi que les instruments que Geoff invente. Nous avons travaillé avec des graphistes. Brusk a fait les illustrations, comme celles de la pochette, et ice©ream les a mises en mouvement et en 3D. Le rôle de tous ces éléments est vraiment de servir un discours musical et de soigner un univers. Sur scène, nous ne nous contentons pas de rejouer nos disques, nous faisons des reprises, du disque mais aussi de notre EP « En petites Coupures ». Ca reste quand même une musique très écrite, notamment pour que l’ensemble musique-lumière-vidéo fonctionne bien. Mais dans ce cadre, nous nous efforçons de garder une marge d’improvisation.

En quoi consistent ces nouveaux instruments ?

(Geoffresh prend la parole) J’invente en permanence des nouveaux instruments, à partir de divers matérieux, de composants. Le premier objectif est d’aller cherche des sons nouveaux. D’autres servent surtout pour la scénographie, en intégrant directement des lumières par exemple. Pour nos concerts précédents, Supa-Jay jouait par exemple d’une derbouka qui contrôlait des lumières.

Vous défendez également le scratch en tant qu’instrument, qu’est-ce que ça signifie ?

(Supa-Jay reprend la parole) Le scratch est un instrument à part entière si on décide de l’utiliser comme tel. La technique est souvent mise en avant par le biais de championnats, mais c’est bien plus que ça. On pourrait très bien transposer ce que nous faisons en solfège, avec des rythmes et une mélodie.

Vous prenez toujours le temps de discuter avec le public à la fin des concerts ?

Oui, nous voulons accompagner les gens dans la découverte du scratch. Ils posent beaucoup de questions et c’est très enrichissant pour nous.

Recueilli par Colin

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