Yui Onodera & Vadim Bondarenko – Cloudscapes | Laputa, me voilà

CloudscapesÀ peine remis de Struktura, Serein en remet déjà une couche avec un nouvel album issu de la collaboration entre deux artistes discrets. D’un côté, on retrouve Yui Onodera, un tokyoïte aux compositions ambient et drone enrobées de micro-éléments organiques qui ne dépareilleraient pas chez 12k ou Touch ; ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il remixe ou coécrit pour des gens comme Pleq, Pjusk ou Celer. De l’autre, on retrouve le russe Vadim Bondarenko, dont on apprend en cherchant un peu qu’il a étudié la musique classique, en particulier la clarinette (soliste, quand même), sans hésiter à explorer occasionnellement des contrées plus électroniques par après. Pas grand-chose de plus à se mettre sous la dent concernant le bougre, mais c’est pas grave, j’ai pu en tirer une introduction honorable malgré tout ; enchaînons donc sans aucune classe vers la chronique de leur galette Cloudscapes, et préparez-vous à décoller loin des contrées nihilistes que l’on explore habituellement pour rejoindre des horizons bien plus limpides. Promis, ça va être bien aussi.

La tracklist épurée nous force ici à n’utiliser que notre imagination et nos expériences pour illustrer les onze pistes. Bien que l’on nous impose, au premier abord, de contempler un immense cadre céleste rempli de contours nébuleux, il nous reviendra vite d’y répandre seuls des couleurs claires et diluées pour lui donner vie, sans autre guide que le son. J’ai toujours apprécié cette pirouette stylistique consistant à ne pas donner de titres distincts aux morceaux, ce qui libère d’après moi l’auditeur d’une interprétation plus aiguillée. À part nous déposer dans une mer azur aux reflets blancs, les Cloudscape nous laissent dériver paisiblement en leur sein, au gré de nos émotions et de nos souvenirs ; comme si Onodera et Bondarenko se contentaient de nous indiquer la direction à suivre pour atteindre l’insondable, nous confiant la suite du voyage sans ceinture de sécurité.

Les couleurs pastels aux tons bleus, verts et blancs que je dépose dans les tableaux des artistes, elles m’évoquent des films d’animation nippons qui m’ont marqué quand je les ai découverts. Nausicaä et la Vallée du Vent, Les Contes de Terremer et surtout Le Château dans le Ciel, les textures granitées et les drones aériens du nippon s’associent aux élans mélodiques de piano, parfois dissonants, et les trop rares fulgurances de clarinette du russe, et dépeignent ces scènes inoubliables d’évasion où ciel, air et vent s’unissent pour porter les protagonistes vers leur destin. Des aquarelles turquoises en perpétuel mouvement où tourbillonnent les teintes au fil des mélodies nostalgiques, sans manquer de nous faire traverser des forteresses immaculées, dont les murs de gouttelettes en suspension se brisent délicatement sur notre peau quand les field recordings granulaires s’écrasent sur nos tympans.

Mais au-delà de ces représentations assez picturales des sons qu’offrent les deux musiciens, Cloudscapes partage avec ces scènes oniriques les émotions qu’elles portent, mêlant mélancolie ambiante et espoir fou d’une issue favorable, donnant l’impression que notre fugue vers les cieux peut à tout moment échapper à notre contrôle ; un état d’équilibre précaire dont la fragilité n’a d’égal que sa bienfaisance.

Et c’est dans ces fresques perdues entre liberté et nostalgie que Cloudscapes me lâche, tantôt dégagées et optimistes dans le tryptique final, ou plus particulièrement Cloudscape 7 et ses irrésistibles boucles aléatoires qui respirent l’éternité, tantôt abstraites et perturbées par les discordances, tel le spectral Cloudscape 2 et l’averse matinale de micro-éléments durant Cloudscape 5. Mais ma gourmandise préférée de cet album reste Cloudscape 8, honorant la clarinette sur fond de loop glitché, et qui apporte une touche organique, presque végétale à une sortie qui ne détournera jamais le regard de l’éther. Une vision éphémère d’un arbre colossal qui a quitté sa terre pour aspirer lui aussi à l’immensité ; Laputa, me voilà.

Pensé pour être écouté de bout en bout, Cloudscapes est un petit bijou d’ambient, intelligemment appuyé par des doses justes de piano et de clarinette, même si cette dernière aurait mérité d’apparaître sur plus de deux pistes. Les talents et la sensibilité évidente de Vadim Bondarenko respirent sans jamais recouvrir le travail de fond de Yui Onodera, qui permet à un agréable zéphyr électronique de traverser leurs compositions. Un joli cadeau à se lancer en solitaire durant ces jours de printemps au visage estival, étendu sur une colline et observant béatement vers là-haut.

Sold-out depuis belle lurette, cette chouquette musicale est toujours disponible en digital, sur un label au catalogue tout à fait exquis. Allez, on y va.

Dotflac

 

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