Transient ’15, jour 3. Nous vainquîmes finalement.

Face à cette programmation aussi longue que le casier judiciaire des Balkany, il nous fallait trouver un supterfuge. 15 artistes, répartis entre la Main Stage et la Theatre Stage, auxquels s’ajoutent environ 700 autres artistes sur la Digital Stage. Au total pas mal de noms connus, certains qu’on attend avec impatience, d’autres que l’on essayera soigneusement d’éviter, mais aussi pas mal d’inconnus, certains recèlant probablement de très bonnes surprises, et d’autres qui méritent amplement leur statut d’inconnu. Bref, on tient encore debout, mais faut pas pousser. Sans mauvaise volonté de notre part, nous choisîmes donc assez rapidement d’épargner la Digital Stage de toute tentative d’avis critique, et ne nous y rendîmes que de manière très ponctuelle, pour nous consacrer aux deux autres arènes où allaient se tenir le gros du lot en ce qui concerne nos attentes. La liste ci-dessous ne sera pour autant pas exhaustive, plusieurs noms manqueront, avec, en vrac, ceux que nous avons loupé parce que nous sommes arrivés trop tard, ou partis trop tôt, ceux que nous avons esquivé, ou même parfois fui, mais desquels nous ne souhaitons pas dire de mal pour autant, ou tout simplement ceux dont la prestation ne nous aura pas suffisament marqué pour qu’il en reste quoi que ce soit à raconter un mois et demi plus tard.

Bref, vous l’aurez compris, ce samedi 7 novembre 2015 à l’Espace Pierre Cardin était un beau bordel, et si l’on y a vu des vertes et des pas mûres on peut quand même souligner que chacun y aura trouvé son compte, de la midinette sous vitamines C au sombre critique musical sous xanax.

Andrea Parker

Nous arrivons en cours de soirée, les sets en cours sont en train de se terminer. Le temps de jeter un oeil à la prog, de remplir nos verres, de faire un tour du propriétaire et il est déjà bientôt l’heure d’aller déguster un petit live d’Andrea Parker. Le temps de régler quelques menus soucis techniques, nous nous familiarisons avec cette nouvelle scène, outrageusement basse de plafond mais étonnament (trop ?) lumineuse. Le set débute, et là, on se sent tout de suite comme à la maison : lourd, gras, et sans équivoques, cette soirée s’annonce d’emblée sous le signe de la techno. Cette performance d’Andrea Parker avait quelque chose d’intimiste. La dame qui enchaînait les disques d’une puissance frontale digne d’un panzer avait l’air bien crevée, créant un entre-deux devant lequel il faisait bon s’assoir (d’façons c’était globalement vide, yavait de la place). C’est donc assis qu’on a croqué de la basse, comme à la maison. Hypnotique, rude et confortable, les coups de butoir nous claquent au sol. On a pas vraiment envie que ça s’arrête, mais bon, faut aller voir µ-Ziq.

Petite déception de la soirée, le patron de Planet µ n’est venu qu’avec un laptop est un pauvre synthé. On aurait pourtant aimé voir le grand bidouilleur originel nous sortir sa machinerie et la branlotter pendant 1h en vue de nous en mettre plein les mirettes et de montrer à tous ces petits jeunes qui c’est papa. Mais non. Le set commença de façon fort convenue, le dégarni enchaînant sans peine les tracks acid et quelque peu dénuées d’intérêt à nos oreilles nourries au kick lourd et aux nappes qui rongent la moelle épinière. Bof. Après un quart d’heure, on se casse. Direction Akkord.

ziq

Et tiens, bizarrement, ça s’est salement rempli dans la Main Stage, ça commence à sentir la saucisse (pour cause de stand de hot dog) et la sueur (pour cause de consommateurs de hot dog). Le duo anglais déroule la grosse machinerie. En même temps, il n’y a que les anglais pour sortir une bass music aussi efficace. Rompus à l’exercice, ils s’enchaînent aux platines, l’un laissant la place à l’autre en un ballet assez sympa à regarder, ça met un peu d’interactivité dans le bazar et c’est pas plus mal. Force est de constater qu’on est plutôt pas mal, là, sur le côté de la scène (on va pas non plus se mélanger à la foule, faut pas pousser, on est misanthrope ou on l’est pas) à regarder la jeunesse se dandiner sur un son hautement connoté « dancefloor bourgeois », mais néanmoins hautement qualitatif dans la limite de ce que la UK bass a à offrir. On s’attendait à rien de particulier, si ce n’est une forte poussée d’urticaire et des envies d’autodafé de teufeurs, et on se retrouve comme des cons à remuer du popotin et à se dire que c’est quand même loin d’être dégueu. Connaissant notre degré d’aigritude, c’est une prouesse.

Akkord

Retour express sur la Theater Stage pour voir si µ-Ziq fait toujours sa précieuse. Que nenni, le garçon est passé en mode « je suis votre géniteur à tous, bande de rigolos » et envoie du gros. La salle est bigarrée, entre jeunes inconscients qui prennent cher et vieux de la vieille qui salivent devant les envolées IDM du temps ou Myspace était un média révolutionnaire. On se sent un peu cons de pas avoir fait confiance à Paradinas et de l’avoir dédaigné avec mépris. On prend une claque. Mais ça ne dure que cinq petites minutes. C’était la fin. C’était grandiose.

Retraversons le nuage de vapeurs de hot dog pour aller tâter du chauve le plus gentil de l’histoire de la Prusse : Monolake. Bon, ok, c’était pas vraiment surround cette histoire. Mais n’empêche. Notre kiff était proportionnel au nombre de gouttes qui perlèrent sur son front définitivement lisse. Alors c’est du Monolake, hein, pas de grosse surprise, mais sa musique prend tout son sens en live. Se jouant des structures et des textures, le germanique livre une performance tout aussi adhésive qu’elle est exigeante.

Monolake

On enchaîne sur la Main Stage avec Lakker. Le duo irlandais nous avait fortement émoustillé l’été dernier avec la sortie de leur dernier opus Tundra, et on était assez curieux de voir ce que ça pouvait donner en live. Il serait mentir que de ne pas mentionner la petite déception qu’on a eue. Le set de Lakker était fortement lissé pour le faire entrer dans la case « live techno brute dansante », tout comme Kangding Ray l’année dernière. Finies les petites sautes d’humeur, finis les silences, finies les cloches et les voix (ou en tous cas fortement atténuées), finis les changements de rythme. Techno techno techno. Manifestement, le public est venu pour ça, et les Lakker ne font pas semblant de leur donner ce qu’ils veulent. Agités comme un teenager qui fait la queue pour le Weather Festival, ça envoie du kick à n’en plus finir. Dans le public, ça commence à perler salement, et on ne sait plus vraiment si ça sent plus le hot dog ou le parisien en transe. C’est précisément à ce moment là qu’on se dit qu’il faut quand même avouer que tout ceci a de la gueule, et que le Transient est en train de réussir son pari pour la deuxième fois : mélanger confidentialité expérimentale (sans tomber dans l’évènement hautain pour trois esthètes aigris), légendes IDM (sans tomber dans le culte des grandes ères révolues), et jeunes loups de la techno (sans tomber dans le consumérisme générique bourgeois sans saveur). Le tout à deux pas de l’Elysée, et pour un prix somme toute fort raisonnable. Alors oui, on aurait personnellement préféré que Lakker nous sorte un live un peu moins binaire et bas du front, mais bon, on va pas jouer les rabats-joie non plus.

Lakker

De ces tribulations de festivalier-chroniqueur-photographe à la mord-moi-le-surround s’en sont suivies deux pointures que malheureusement nous n’avons pas eu la chance de voir, ou si peu, pour cause d’interview : Lucy et Luke Vibert. Les affres du métier.

Quatre heure du mat’. On aurait juré qu’on ne tiendrait pas jusque là, mais finalement, nous y voici. On ne connaissait pas les deux artistes qui allaient bientôt s’apprêter à clôturer cette soirée, et par la même occasion le festival, mais on avait, d’on ne sait où, une vague et lointaine idée ou souvenir que peut-être c’était du lourd, et que s’ils étaient programmés à ce moment si crucial c’était peut-être pas pour rien. Il était donc plus que jamais temps de vérifier ces ersatz d’informations : Heiko Laux sur la Main Stage, et Neil Landstrumm sur la Theatre Stage. Le premier dilapida une techno minimale, légère et hypnotique, comme un méchant chaud-froid sur la nuque. Répétitif, binaire, mais pas méchant pour autant. On touche ici du doigt tout ce que le terme « minimal » impose de limites à nos connaissances, et on reste donc globalement observateurs. Ils sont bien loin les Paskine et Vigroux de la soirée d’ouverture, mais à la limite on est pas plus surpris que ça, ni forcément déçus d’ailleurs, après tout si on veut faire tenir la jeunesse parisienne debout jusqu’à 6h du mat’ il faut ce qu’il faut. Par aquis de conscience nous passons voir ce que donne Neil Landstrumm de l’autre côté. Notre patience commence elle aussi à fatiguer, et cinq minutes de Neil nous auront suffit pour conclure qu’après tout on préferait autant finir le Transient avec Heiko Laux. Le temps de boire un dernier godet, de fumer une dernière clope, d’user des dernières forces qu’il nous restait avant de rentrer et c’est donc dans un sous-sol berlinois que s’acheva ce samedi soir. Transientons Paris.

Heiko Laux @ Transient 2015

En ce qui nous concerne, on peut donc dire que ce fut une édition fort réussie. Même si nous sommes clairement plus à l’aise dans les soirées périphériques au « main event », nous serions bien en peine du dire du mal de cette soirée du samedi. Oui, on est pas du genre à se coller le torse moite à deux faméliques et trois pré-pubères, mais n’empêche, notre plus grande crainte fut infondée : cette soirée résolument faite pour ameuter la foule était d’un niveau bien plus élevé que beaucoup de merdes parisiennes qui défilent sur nos fils d’actualité. Comme nous l’espérions, on s’est pas sentis parias. Ok, plus le temps passe et moins on a de cheveux, mais on se sent pas encore complètement ghettoïsé devant Akkord ou Lakker, à se demander si la meuf qui se trémousse au premier rang a son bac ou pas. Rien que pour ça, merci Transient. Alors oui, plus encore que l’année dernière (et on est pas dans la merde si on doit répéter ça chaque année), on reviendra avec plaisir. Manger du Paskine, tâter du Vigroux, pourlicher du TRDLX, faire semblant de sautiller devant de la techno, siroter nos bières devant Devine en ayant l’air d’être digne de sa musique.

Hitman

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