Avec un peu de recul, il est vrai que le projet Olan Mill mené par Alex Smalley commence à stagner au niveau des sonorités ; Cavade Morlem aura beau être paru à un moment opportun en ce qui me concerne, il sera difficile de nier qu’il n’a, artistiquement parlant, pas laissé une marque importante dans la discographie de l’homme (contrairement à un Paths ou un Half Seas Over, et même si ça m’embête de l’admettre). Mais alors, que faire pour retrouver la flamme ? Eh bien peut-être qu’aller voguer vers des horizons un peu plus étendus avec d’autres personnes permettrait, à défaut d’une renaissance pas encore nécessaire, d’éclaircir le champ de vision et voir plus grand. Le britannique se joint donc à un homme que je ne connais absolument pas, mais dont le nom a déjà été crédité sur de précédents disques d’Olan Mill aux claviers. Alex Lucas vient en assist’ sur une parution toute confidentielle chez Hawk Moon Records, tenu par un autre habitué des sphères ambient qu’est Good Weather for an Airstrike (qui avait lui aussi sorti un très beau Falling Sun en duo avec Chihei Hatakeyama chez Rural Colours en 2014, bref).
Sans renier les nappes ambient dilatées flirtant avec la stratosphère qui le caractérisent, Olan Mill trouve en son comparse un nouveau souffle dans les envolées mélodiques du piano, chacune de ces deux moitiés artistiques supportant l’autre en donnant un bel équilibre à l’ensemble. Et tel le vent qui donne son nom à cette sortie, les notes légères vont planer sur des courants harmoniques ascendants, puis répondre à leurs propres échos fragmentés avant de s’échapper vers leur destin marin. Tel le vent qui se heurtera puis se conformera aux aléas climatiques et géologiques durant son aller simple vers la Méditerranée, les compositions vont varier en vitesse d’exécution selon le temps, moduler les amplitudes sonores en fonction des obstacles, déséquilibrer la proportion entre nostalgie et allégresse qui tendra toujours vers un équilibre précaire afin de métamorphoser Tramuntana en une expérience réussissant à faire vibrer des cordes sensibles.
Il semble que des morceaux de vie se soient dilués dans les masses d’air mobilisées par les deux britanniques, on jurerait presque y entendre des souvenirs émettre une dernière transmission avant leur abandon à l’éther ; un manifeste tout en pudeur des hauts et des bas d’inconnus dont les émotions nous rapprochent, un partage impromptu de lumières peut-être déjà éteintes par-delà les montagnes. Transportées avec la délicatesse et l’attention qui leur sont dues, ces mémoires intimes et anonymes brilleront d’abord de leur dernier et plus bel éclat dans la première moitié de Tramuntana (dont les délicieusement sucrés La Riera et Ibro), avant d’accueillir la fin de leur existence comme une amie de longue date que l’on attend depuis toujours, le tout dans un style bien plus Olan-Millesque dans les compositions mais sans jamais empiéter sur le piano qui s’impose comme un chef d’orchestre tout aussi humble qu’indispensable.
Et tandis que le vent s’effrite au large dans Marinera, on garderait presque un goût de regret en bouche à cause de la brièveté de l’album. Mais un truc estampillé Olan Mill, c’est aussi ça finalement : la moindre mesure qui côtoie la démesure. Alex Smalley a trouvé en son partenaire une vision artistique complémentaire de la sienne, émergeant en une petite galette sans prétention mais à l’arrière-goût délectable, car on ne l’attendait probablement pas. L’avenir nous dira si le meilleur est encore à venir.
Il y a eu trop peu d’exemplaires en vente pour qu’il en reste, mais désormais, l’album est en « name your price » sur le Bandcamp du label.
Dotflac