Chihei Hatakeyama & Good Weather For An Airstrike – Falling Sun | Réalité diminuée

Falling SunPléthore de labels ambient existe de nos jours, et pas mal d’entre eux sont d’ailleurs très bons. Comme tout le monde, j’ai mes petites préférences, piochant dans les enveloppantes textures de chez Home Normal, les compositions aussi minimalistes qu’authentiques de chez 12k ou encore l’équilibre entre néoclassique et électroacoustique de chez Dronarivm (empressez-vous d’aller visiter leurs catalogues respectifs d’ailleurs, si ce n’est déjà fait). Aujourd’hui, c’est d’un autre chouchou dont on va parler : le label britannique Hibernate, et plus précisément de son rejeton Rural Colours, dont l’année 2014 se clôture sur la collaboration entre le nippon Chihei Hatakeyama et l’anglais Tom Honey, qui se cache derrière Good Weather for an Airstrike.

Si Falling Sun est le premier fruit de la collaboration des deux artistes, ce n’est pas leur première apparition chez les deux maisons de Winchester, puisque Hatakeyama et Honey ont tous les deux des antécédents de strates ambient moelleuses avec des pincées de field recording et d’instrumentations distantes parmi elles. Sans trop s’attarder sur leurs historiques, ce sont deux habitués donc, qui réunissent pour six pistes leurs univers musicaux pas si éloignés l’un de l’autre. Bien qu’il existe toujours des contre-exemples quand on affirme quelque chose (je pense à l’excellent 9980 de Connect.Ohm, sorti fin 2012 chez Ultimae), j’ai toujours pensé qu’une collaboration musicale réussissait lorsque les apports des deux artistes n’étaient pas évidents, que plus la frontière entre les deux (ou plus) imaginaires sonores devenait floue, plus le résultat était cohérent. Aujourd’hui, le duo semblent suivre cette philosophie, et bien qu’on suppose que ce sont les instruments traités de Chihei Hatakeyama qui balancent les enregistrements de terrain de Good Weather For An Airstrike, on en restera certainement aux conjectures en dégustant leurs sonorités chaleureuses communes, et c’est tant mieux.

Comme beaucoup d’albums du genre, Falling Sun a tendance à courber la réalité, nous éloigner de la routine quotidienne et suggérer des paysages atypiques dans nos esprits. Ce qui marquera plus les auditeurs ne sera donc jamais directement ce postulat, mais plutôt les outils sonores particuliers mis à notre disposition pour voyager ailleurs et influer sur l’avancement inéluctable du flux temporel. Ici, des nappes de guitares traitées scintillantes et chaudes (et autres instruments non-déterminés) servent de fond sonore récurrent, et atteignent sans sourciller les 10 minutes sur quatre des six morceaux de la galette. Ces longues pistes servent le propos tenu plus haut, permettant à l’auditeur de s’approprier les éléments musicaux à son rythme et de prendre le temps de distordre sa réalité afin de créer l’alternative proposée par Hatakeyama et Honey. Les drones pulsatiles et organiques se dépliant tranquillement, on aura donc tout le loisir d’absorber rapidement d’autres détails tels des sons urbains indistincts, les variations du chant d’un oiseau ou la quiétude démontrée d’un écoulement aquatique, qui se fondent dans ces paysages sonores somnolents illustrant un coucher de soleil surréel. Un peu à l’image de la couverture créée par Katie English : une vision initiale concrète à l’infinité de nuances suggérant des sentiments positifs, mais ici transformée, simplifiée et épurée, afin de n’en conserver que l’essence : la chaleur, les couleurs et finalement le déclin et les ténèbres.

La plus grande partie de l’album semble décrire ce crépuscule fantaisiste, où la nuit s’annonce mais n’arrive pas encore à ébranler la vitalité qui s’active sous l’action des rayons du soleil. De Morning in Summer à Street Lights, les fragments de vie enregistrés complètent les couches sonores lumineuses et optimistes qui oscillent paisiblement, se croisent, s’enlacent puis s’éloignent à nouveau sans pour autant se quitter, ralentissant la venue inéluctable de l’obscurité. Mais Falling Sun est réaliste, de par son titre et ses intentions ; le final Lost in this City change de hauteur pour adopter des fréquences plus mélancoliques et dessiner un coucher de soleil aux couleurs de plus en plus fraîches. On accueille presque la nuit avec soulagement, après avoir profité pleinement des ultimes lueurs de l’astre dans les précédents morceaux, et on embrasse les sons plus réverbérés et froids qui effacent progressivement les bruits de l’eau. Mais la nuit n’est pas mauvaise et nous le rappelle en faisant intervenir ici une dernière fois ces échos de vie avant de s’éteindre, car jour et nuit ne s’opposent pas seulement mais se complètent, faisant perdurer un cycle éternel d’activité diurne et de stase nocturne, avec un climax durant leurs phases de transition.

Cette collaboration entre Chihei Hatakeyama et Good Weather for an Airstrike tombe à pic en ce début de mois de décembre qui semble vouloir rattraper la douceur excessive dont nous avons bénéficié jusque là dans nos contrées françaises ; une bouffée de lumière et de chaleur au moment où le froid et les journées à huit heures d’ensoleillement s’installent inexorablement.

Épuisé à la source, vous pourrez néanmoins acquérir l’album avec ses zolis visuels soit sur le Bandcamp de Chihei Hatakeyama, soit sur celui de Good Weather For An Airstrike (qui propose en plus un streaming intégral de Falling Sun, et à un prix plus abordable). Allez, zou.

Dotflac

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