Vous ne nous avez jamais entendu prononcer son nom, et pourtant, on vous a déjà parlé de lui. Car sous le sobriquet de Mai Mai Mai se cache Toni Cutrone, infatigable agitateur de la scène undeground italienne qui, parmi ses nombreuses casquettes, est notamment Président-Directeur Général et actionnaire majoritaire du label No=Fi Recordings, chez qui était paru l’an dernier Canicola de Heroin in Tahiti, dont on vous avait brièvement parlé ici. Album qui a depuis refait son apparition en digital chez Boring Machines, chez qui Heroin in Tahiti ont également sorti leur dernier album Sun And Violence, et chez qui Mai Mai Mai avait, quant à lui, sorti Theta, son premier EP, avant de passer chez Yerevan Tapes pour son second EP Δέλτα (Delta), label au sein duquel on retrouve notamment Peplum, de Heroin In Tahiti.
Bref, tout ça pour vous dire que nous avons donc affaire à une belle brochette, et que si on décide d’en remettre une couche aujourd’hui, c’est peut-être pas pour rien.
Habitué des formats courts, Mai Mai Mai perpétue ici la tradition avec ce Πέτρα (Petra) de 19 minutes paru le 31 mai, format idéal pour sa sortie physique en vinyle « one-sided ». Coïncidence ? Je ne pense pas.
19 minutes donc, mais 19 minutes d’une traite. Car si l’album est divisé en trois pistes dans sa version digitale, il parait difficile de l’envisager autrement que dans sa globalité. Πέτρα début donc avec Βάσσαι (Bassae), première ambiance de cet EP qui, du haut de ses 10 minutes, ne marque pas une simple introduction à la troisième sortie de Mai Mai Mai mais en imprime littéralement tout son tempérament. 10 minutes d’un réveil engourdi, progressif, et dont la rythmique à la fois lourde et lente laisse pourtant pressentir tout son potentiel dès les premières marches. Les ronflements s’intensifient, la palette vibratoire s’élargit, chaque étape de l’ascension venant tour à tour ajouter son lot de chaleur à un tempo qui sonne creux, mais dans le bon sens du terme, au sens cavernicole. Un tempo à deux vitesses, qui aurait presque pu trouver sa place dans une playlist downtempo, mais qui, quoi qu’on en dise, envoie bien du pâté. Toute la puissance de la Grèce antique dans un morceau. C’est cadeau.
Βάσσαι se termine doucement et l’on se rend compte que l’on a déjà passé la moitié de l’EP (et oui) lorsque débute la seconde et éponyme piste (Πέτρα, donc) qui, maigre de ses 3 minutes passerait presque pour un interlude, surtout après le morceau qu’on vient de s’avaler. S’y mélangent percussions méditerranéennes, spoken words, scintillements sci-fi sur un grondement grave et permanent. Un morceau dont on attend qu’il se lance, mais qui laisse songeur. Était-ce réellement un interlude après tout ?
A peine le temps de tergiverser sur ces quelques considérations sans intérêt que débute déjà Πέλαγος (Pelagos) qui aura donc pour rôle de clôturer cette galette. Sans surprise (et sans mauvais jeu de mot donc) Πέλαγος nos plonge dans une ambiance subaquatique, dans laquelle le brouhaha de l’eau se mêle à l’incessante rythmique (plus du tout downtempo pour le coup) dont la propagation au sein d’un fluide sous haute pression accentue encore plus cette sensation d’oppression. Πέτρα se termine doucement, on sort la tête de l’eau, on reprend sa respiration… et oui, 19 minutes ça passe vite, mais ça laisse quand même le temps de partir loin.
Pour faire l’acquisition de Πέτρα, vous avez le choix : version digitale, splittée en 3, directement sur la page Bandcamp de Mai Mai Mai (5 balles, franchement), soit chez CORPOC, pour une petite version vinyle qui ne manque pas de charme. A chacun son arme.
Adrien