Matter – Paroxysmal | Antimatière

ParoxysmalLe début de l’année, c’est le moment des bonnes résolutions. Et c’est décidé, j’arrête de chroniquer de l’ambient et du drone comme un rêveur, puisqu’apparemment, des fragiles trouvent qu’on en parle trop au détriment de la techno. Ben voilà, je me lance dans cet exercice périlleux et inhabituel, et vous propose une chronique techno.

Le gus nous intéressant est un italien qui, après quelques sorties sur des netlabels DIY aux noms de domaine en vente, s’est retrouvé chez les ukrainiens de Kvitnu. Fabrizio Matrone a d’abord sorti un Solid State inégal et un peu plat, mais avec quelques fulgurances éphémères ; c’est surtout son Biorhexistasy qui m’a vendu l’artiste, délivrant dans nos mâchoires un énorme uppercut techno-indus paré d’un poing américain à la densité tellurique. Sillon que Matter a continué de creuser à mains nues dans une terre brûlée pour accoucher du Paroxysmal qui m’émeut aujourd’hui, poursuivant et peaufinant le molestage auditif commencé en 2013.

C’est armé d’une techno lente mais brutale qu’il nous attaque, sacrifiant la course au tempo sur l’autel de la texture et du contraste, dénigrant les albums aux kicks chromés et strates sonores qui se font des câlins pour vouer un culte à un démon de compression au cœur noir de distorsion. Si le gosse de Fausten et Samuel Kerridge avait été abandonné dans une friche industrielle dès sa plus tendre enfance, il serait devenu un adolescent psychopathe souffrant de syndrome post-traumatique nommé Paroxysmal. Associant l’organicité putride et la toxicité du premier à la terrifiante froideur mécanique du second, la galette ne saurait mieux porter son nom, nous déversant au visage et dans les esgourdes un flot de déchets radioactifs constant (contrairement à ce que peuvent indiquer les premières écoutes inattentives), mais nous convaincant surtout que c’est tellement guedin qu’on doit en redemander jusqu’à la nausée ; et plus encore.

Après une intro ambiancée bien sournoise qui nous prépare à peine à la suite, Depth nous jette directement dans l’antichambre de l’enfer, exposant sans retenue le contraste entre les kicks pachydermiques et les textures sales qui marqueront les écoutes. Battre la rouille et réveiller les démons pour chanter avec eux la destruction sous des lumières noires stroboscopiques. Puis aller se baigner à côté de Majak en Russie, et se laisser infecter sciemment par l’eau contaminée pour finaliser notre hymne à la décomposition, les yeux pétillants de folie. On se demandera même comment quelques morceaux bien plus « ambient » tels Maar ou Exsolution ont pu se perdre ici, distillant calmement le malaise via une oppression fréquentielle soutenue. Mais bien qu’ils semblent anecdotiques dans nos premières approches de l’ensemble du travail, on se rend compte que la terreur qui nous tétanise dans les pièces rythmées est en partie due à sa suggestion dans leurs compléments sans tempo. On apprend d’abord à connaître la peur avant de la suivre.

Plus loin que ça, on devient fasciné par elle. Car ne nous mentons pas, ce sont bien les bombes sales que nous sommes venus cueillir en premier dans Paroxysmal. Sans qu’il y ait des extraits à snober, un trio émerge clairement en tête, et je vous défie de ne pas céder au trip perpétuel des émanations toxiques du plomb en fusion de Scoria, aux gargarismes atonaux et autres coups de Rangers dans le fondement de Surge, ou aux volées de caténaires sous tension en caisson hyperbare dans Pressure. Frappes précises à rayon d’action étendu côtoient la trinité saturation/distorsion/compression toujours extrême mais jamais excessive, jusqu’à une fin qui nous dévisse littéralement les tympans. Et elle est là, la beauté de ce monstre.

Une expérience binaire de jusqu’au-boutiste du son, qui carburera à 100 % de son potentiel durant tout le disque et ne commencera à retomber que plusieurs minutes après l’écoute, quand vous serez en PLS en train de vous interroger sur ce qui vient de vous arriver. Un moyen d’exprimer ces traits de caractère pas toujours faciles à assumer en société que sont l’attirance de la peur et le masochisme acoustique. Clairement mieux apprécié sur une installation ouverte capable de méchamment encaisser du hertz, Paroxysmal est un album très vénèr que vos différents voisins risquent de connaître par cœur bien avant vous. Tant mieux, ils n’avaient qu’à pas écouter du Christophe Maé qui fait même hurler le chien ou vous faire participer à leur coït conjugal le dimanche matin à 8 heures (dédicace à mes résidents attenants, bisous).

Bénéficiant d’un packaging et d’artworks très sympas aux textures aussi râpeuses que la musique qu’il enferme, l’album se trouve toujours chez Kvitnu. Chopez Biorhexistasy au passage, vous risqueriez de rater une autre tuerie.

Dotflac

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