On chronique peu d’EP, c’est vrai. Enfin disons qu’on chronique peu tout court, et encore moins d’EP. Et pourtant, il y a de quoi faire. Ci-dessous vous trouverez donc ce qui ressemble à un ultime moyen de nous rattraper, avec une liste des formats courts qui auront marqué notre année 2015. Pour des raisons pratiques nous y avons également intégré quelques cassettes. Pas taper.
07/01 Far9 – Nowhere [Rafarta Records]
On a tous, de temps en temps, des petits sursauts de clubbeurs qui remontent d’on ne sait où. Fort heureusement, dans ces instants de deep doute, la maison islandaise Rafarta sera toujours là pour vous consoler. Far9 eut l’occasion d’inaugurer leur année 2015 avec ce Nowhere, pas si court que ça.
02/03 Stray Dogs – Kalkar (autoprod)
Kalkar n’est pas réellement un EP, ni même une cassette, ou quoi que ce soit d’identifiable en terme de support musical. Kalkar c’est un projet, un duo aussi percutant que Stray Dogs qui investit une ancienne tour de refroidissement reconvertit en mini-parc d’attraction, usant de l’acoustique exceptionnelle du lieu pour y faire vibrer tout ce qu’ils avaient de plus pénétrant sous le coude. Un extrait est disponible ici, mais là vidéo vaut quand-même bien le détour.
11/03 Exquisite Corpse – Strings & Broken Things [Tesla Tapes]
Tout est dans le titre. Des cordes sur la face A, des trucs cassés sur la face B, Sam Weaver écrit et réécrit le mot « méditation » en lisse, et en stridant. Exquisite Corpse lutte sans relache contre l’obsolescence programmée avec cette ôde auditive au recyclage et à la récup.
13/03 Tegh and Kamyar Tavakoli – Through The Winter Woods [Hibernate]
Les amateurs de drone / ambient connaissent probablement déjà la maison anglaise Hibernate, et son fastidieux et remarquable travail de dénichage de talents, et de productions d’objets faits à la main en édition surlimitée. Ici c’est de deux iraniens dont il s’agit, fournissant une grosse vingtaine de minutes d’un ambient lourd, plein, rude. Pas de grands espaces naturels et d’animaux qui chantent, ici, c’est plutôt soubresauts urbains, vibrations du béton, déshumanisation de l’espace.
01/04 The Dept. Of Harmonic Integrity – In Deck And Depth, A Whim, A Weft [Tymbal Tapes]
Ondulations, pulsations, variations, The Dept. Of Harmonic Integrity nous replonge l’espace d’une cassette dans les racines de la synthèse sonore, pour un décrassage auditive en bonne et due forme.
01/04 Isolat Pattern – Clinical Ambience [Kvitnu]
Si les sorties de Kvitnu manquent parfois d’originalité (mais en même temps, peut-on leur en vouloir, lorsque l’on sait ce que fait Mika Vainio), mais leur catalogue a aussi ses fulgurances. Et ces derniers temps, elles ont tendance à se faire plus nombreuses, ces fulgurances. Il y a eu le Paroxysmal de Matter, et il y a ce Clinical Ambience, de Isolat Pattern. Et ce format plus long que mes cheveux mais plus long que mes poils de cul n’est pas autre chose que ce pour quoi il se présente. Répertoire d’ambiances cliniques, en effet, alternant plages minimalistes faisant la part belle aux hautes fréquences à la Fabio Perletta et aux kicks dépouillés, et nappes plus étirées parsemées de glitch, voici une sortie clairement estampillée Kvitnu, mais qui tranche enfin avec l’héritage de Pan Sonic.
14/04 Mogano – Sycomore [Arboretum]
Parce qu’on a rarement vu un tel travail sur les textures et les nappes dans de la techno. Et que le résultat est hautement hypnotique (c’était notre quota annuel d’utilisation du mot « hypnotique »).
11/05 Ulaan Passerine – Light In Dust [Worstward Records]
Ca fait maintenant un moment qu’on attendait l’occasion de vous toucher deux mots de Steven R. Smith, parce qu’on est devenus des groupies absolues de ce mec, et qu’on l’a découvert bien tardivement. 2015 n’aura pas forcément été son année la plus faste, mais la parution d’un petit EP sous l’étiquette Ulaan Passerine (certainement celle que l’on préfère) est tout de même à signaler.
15/05 Moss Folk – Veiled Visions [Eye Vybe Records]
Du pur drone psyché from Wisconsin. Avec Veiled Visions, Moss Folk produit l’un des courts les plus hypnotiques de l’année 2015.
25/05 Crypto Tropic – Crypto Tropic [Le Cabanon]
Nous ne sommes que honte et regrets. Nous aurions du, deux mille fois, vous parler de ce Crypto Tropic, en long, en large, en travers. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que cet objet représente un pas en avant considérable pour la musique de Nebulo comme pour celle de Druc Drac, parce qu’il est le fruit d’une démarche quasiment ethnologique sur les sons, parce que ce fruit est un énorme doigt à la sanctuarisation des sons dits « traditionnels », parce qu’après 72 écoutes on en découvre encore des éléments cachés, parce que le vinyle est beau, parce qu’en live ça surbute des castors camerounais (non hermaphrodites), et parce qu’il provient d’une jeune maison qui paie pas de mine, mais qui fait son trou en rayant le parquet avec les dents.
16/06 Burning Pyre – Erotics of Aesthetics [Vanity Pill Tapes]
Ok. Eloignez tout objet contondant, corde, et drogues dures en haute quantité. Vérifiez bien que vous ne vous êtes pas fait(e) larguer, et qu’aucun deuil n’entâche votre famille depuis les 6 derniers mois. C’est fait ? Très bien. Vous êtes donc prêt(e) à vous coltiner la sortie la plus noire, la plus amère, la plus déprimante de l’année. C’est du mal-être en barre, de la déprime post-attentat au kilo, du brouillard mental à découper à la feuille de boucher. Mais c’est immense.
09/07 Babel – Febris [Tymbal Tapes]
Jakob Rehlinger (aka Babel) produit bien trop de trucs, et dans bien trop de styles différents, pour qu’on puisse réellement dire qu’on en est fans. Mais la réciproque est également vraie, règle qui n’en est pas vraiment une mais qui a néanmoins été particulièrement mise à l’épreuve et finalement démontrée en grande partie avec ce Febris venu d’une autre planète, ou d’une autre époque, voir des deux.
10/07 Noww – Noww I & II (autoprod)
On a absoluemnt aucune info à propos de ce groupe/projet répondant au nom de Noww, si ce n’est qu’il est apparu en 2015, que c’est vraisemblablement originaire de Californie, et que leur musique est totalemnt lunaire. 2 EP à découvrir, le premier ici, le second ci-dessous.
(PS : au moment où nous publions ces lignes, il se trouve que ces deux EPs ont été combinés et agrémentés en ce qui s’apparente désormais être un album, paru chez Hologram Skies).
18/08 Black Rain & Shapednoise – Apophis [Cosmo Rhythmatic]
Dans la torpeur de l’été sortit une collaboration alléchante, qui n’a pas grand-chose à envier au Vigroux / Vainio. Shapednoise confirme son rang de jeune loup de l’industrie lourde et sait manifestement s’entourer des meilleurs. Un EP de haute volée (de bois dur), qu’on aurait tellement aimé se voir concrétisé par un album full-length. Ne perdons pas espoir, et surveillons de près tout ce qui sortira de la jeune écurie Cosmo Rhythmatic, parce qu’il faudra, plus que jamais, compter sur elle pour nous fournir notre dose de kicks-parpaings.
05/09 Docetism – Waldeinsamkeit [Nichts]
D’ordinaire sur-productif, le polonais Docetism n’aura sorti cette année qu’un simple petit EP. Fort heureusement, il est bien. Fidèle à l’étiquette deep-ambient de son producteur, Waldeinsamkeit est dans la plus complète continuité de ses prédécesseurs. Promenons-nous dans les bois.
12/09 4Flexx – Semblance (autoprod)
C’est l’instant gros craquage UK bass de l’année avec 4Flexx. Parce qu’un peu de saleté de temps en temps, ça fait jamais de mal. Le gras, c’est la vie.
01/10 Nonsubject – Silent Hill [Alhena Records]
Dark, bas du front, froid, étouffé, étouffant, perturbant, islandais. What else?
10/10 Vales – Pressure [A Giant Fern]
A la frontière entre l’ambient expé et la noise pure, Vales produit l’un des trucs inécoutable le plus écoutable de l’année. A consommer avec modération tout de même.
10/10 UVB76 – Enter 513 [Midi Deux Entertainment]
Parce qu’au fond de chacun de nous sommeille toujours un conspirationniste amateur des secrets soviétiques de la guerre froide. (et parce que yabon techno indus bien sale.)
16/10 Sam KDC – Psychic Dirt [Samurai Music Group]
Bass qui roule n’amasse pas mousse. Sam KDC amasse néanmoins notre approbation la plus totale avec cet EP qui nous aura bien oppressé la cage thoracique ces derniers mois. Sans trève, ni répis.
27/10 Hawkta – Stellar [Tripalium]
Tripalium continue son petit bout de chemin, s’inscrivant dans la lignée des labels défricheurs de talents, sortant de l’EP et de la mixtape au kilo. Parmi les nombreuses sorties, l’EP Stellar nous a particulièrement titillé. Résonnances industrielles à vocation à remplir les cathédrales de béton, Hawkta se fait le chantre de la violence moderne : métronomique, usant par la répétition, aux nappes amères. Issue des tréfonds de la rave et de l’indus, sa musique à fort potentiel ne demande qu’à maturer sur les cendres consumées des deux mouvements sus-cités. L’enjeu est de taille : digérer l’héritage pour se poser en digne successeur, rien que ça.
01/11 Monolog & Balkansky – Excursion [Subtrakt]
Le danois Monolog, dont on a déjà amplement parlé, continue de sortir du son au kilomètre, et depuis peu, chez Subtrakt, label dont il a repris la gestion. Accompagné cette fois de Balkansky, l’homme chez qui on admire toutes les collaborations, mais dont on aime moins (pas) les sorties qu’il fait seul (on y peut rien, on va pas s’forcer non plus). L’Ep Excursion, c’est du qualitatif à siroter vite fait. Il se déguste comme un avale un sandwich sur le pouce, un de ces sandwichs de la mort de 42 cm avec salade bio, pain complet, fromage AOP, oignons confits et jambon issu de cochon qui respecte les plages bretonnes. Sauf que cet EP coûte moins cher qu’un sandwich. A noter que Monolog hésite de moins en moins à verser dans les longues plages beatless, et que c’est franchement pas rebutant.
04/11 André Uhl – Under A Swollen Silver Moon [Detroit Underground]
Une basse raffinée, hypnotique, tridimentionnelle, qui résonne du cortex frontal jusqu’à l’hypothalamus. Si 2015 aura été l’année de la réalité virtuelle, vous ne serez pour autant pas obligés d’acheter un Oculus pour plonger dans l’univers d’André Uhl.
25/11 Verset Zero – Contritum Crusis [Tripalium]
Deuxième sortie de Tripalium qui vient nous caresser les tempes avec ses clous rouillés. Mêmes commentaires que pour le Stellar de Hawkta. On espère sincèrement que ces deux EPs ne sont que les précurseurs d’une sorte de nouvelle vague industrielle qui saura « tuer le père », intégrer son héritage, sans le renier, tout en proposant quelque chose de neuf. Puisse cette tendance se confirmer, et s’installer dans le durée.
11/12 Frau Silberfischer – Spectrum [Bon Temps Records]
Première sortie de l’allemande Elke Silberfischer, ce quatre-titres-trois-remixs sent bon le home-made DIY qui aurait pu sortir de n’importe quelle chambre d’adolescent adulant les Boards of Canada comme on adulait Kurt Cobain dans notre désormais bien révolue jeunesse. A la nuance près que cet EP est loin d’être une générique sortie de jeunesse, et que même si ça manque encore un poil de maturité (et d’identité), on ne peut que s’exciter sur le potentiel que ces 4 titres laissent entrevoir. Une artiste à suivre, et un jeune label prometteur.
14/12 Ruby My Dear – Balloon [Kaometry]
Ruby, que nous avons vu explorer de nouveaux horizons à coups de side-projects divers et variés, nous revient sous son pseudonyme propre chez les vénérables de Kaometry. La recette reste similaire, kicks sautillants, samples de voix ubuesques, drumwork hyper-rapide, du perrier dans ta tête. Mais cette fois, l’ambiance générale est un peu plus triste, un poil teintée de nostalgie, d’une amertume à peine voilée. Mais restez tranquilles, c’est du Ruby my Dear, du bon, du vrai, du qui considère le breakcore comme une belle demonstration de technique.
19/12 10365 – Artefacts [Subtrakt]
Deux artistes drum’n’bass qui allient leurs forcent pour produire de « l’ambient », forcément, ça a attisé notre curiosité (surtout quand y’a Dean Rodell dans l’affaire). De but en blanc, on a un peu de mal à visualiser ce que peut donner un mélange pareil. Mais finalement, c’est chouette.
Voilà. Ainsi s’achève définitivement cette année 2015. Finalement on en serait presque à se dire que l’année n’était pas si merdique que ça. Surtout depuis que Lemmy, Bowie et Hans Grüber nous ont quitté en moins d’une semaine. De toutes façons, même s’il va falloir mettre définitivement les pieds en 2016, on fera encore quelques retours en arrière, ne serait-ce que pour les trois interviews réalisées au Transient, qui arriveront très bientôt (inch’allah), et pour quelques chroniques d’albums dont on ne peut décemment pas ne pas parler.
En complément, pensez à vérifier que vous avez bien versé une oreille attentive à l’équivalent « albums » de cet article, et si besoin de retournez éplucher nos quelques chroniques.
Crédit photo : Justin Poulsen
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