Le jeune label VoxxoV Records, dont nous avons déjà pas mal parlé, continue son exploration du drone et de l’ambient avec sa deuxième sortie physique, Exposure, de Damian Valles.
Beaucoup de mots et d’images viennent à l’esprit lors de l’écoute d’Exposure, la difficulté étant d’organiser ces images en un propos cohérent.
L’auditeur aventureux se retrouve ici face à un ambient lourd, tout en bruits de machines et grondements lointains. Cliquetis, grincements et nappes opaques, on est loin des sons éthérés d’Hakobune. En fait, chez Damian Valles, tout est inquiétant, et c’est là le savoir-faire du monsieur : ces six titres, longs, lents, torturés, sont une bande-son parfaite pour l’exploration nocturne des ruines d’un asile de fous. Le pauvre auditeur qui passe par là par hasard en a pour son compte. C’est un voyage vers les tréfonds de son âme que lui impose Damian Valles, voyage lors duquel il le torturera de tous ces sons gênants et éreintants, mais ô combien fort à propos. Il serait facile de dire qu’Exposure est aussi froid que la glace qui recouvrait le métal noir et crasseux de Stalingrad à l’hiver 42 (j’y étais, et jpeux vous dire que c’était pas beau à voir). Mais ce n’est pas tout à fait ça. Si Exposure est basé sur des sons métalliques, hautement propices au développement des métaphores industrielles auxquelles sont habitués nombre de genres électroniques décrits comme « extrêmes », sa construction est loin d’être aussi froide que le suppose une nature uniquement mécanique. Si ses tracks sont solidement ancrés sur une répétition aliénante (Right Ascension), elle peut n’être que sous-jacente, et l’imprévisibilité des ornements me fait plutôt penser au comportement d’un être bien organique. Erratique, mais organique. Cet être a ses colères, ses respirations, ses humeurs. Un être qu’on imagine aisément difforme, atteint de je ne sais quel mal, épris de je ne sais quelle vengeance envers toi, l’auditeur qui décidément, n’a rien demandé. Exposure possède, en somme, une ossature de machine, et un caractère propre, imprévisible, vivant.
Une chimère
Que le caractère de cet album soit celui d’une chimère flippante qui se terre dans les ruines anthraxées de l’île de Vozrojdeniya, ou celui de votre autre vous psychopathe qui se cache dans les tréfonds de votre cerveau, ça ne regarde que vous. En ce qui me concerne, je salue la capacité qu’a Damian Valles à dépasser le clivage trop souvent marqué entre organique / métallique. Cet album a la rare qualité de pouvoir dessiner le décors de son univers, décrire les personnages qui y évoluent, et imposer leurs humeurs, le tout simultanément. Je laisse à chacun la liberté d’imaginer et de se faire peur comme il le souhaite avec ces sons sortis du trou du cul d’un laboratoire secret de recherches biologico-nucléaires zombie-nazi. Personnellement, quand j’écoute Exposure, je pense à la zone de Tarkovski, je pense à Détroit et ses usines abandonnées, je pense à la terre outragée (super film, en passant) et meurtrie par les Hommes, et au fantasme malsain que l’observation et l’imagination de ces endroits provoque chez nous. La réalité et la fiction se mélangent dans cet album, on guette, effrayé, fasciné, impatient, quel est l’être ignoble qui va sortir de ces lieux que nous avons en tête. Et l’on se complaint sans difficulté dans le mal-être, la gêne et la tension immense que provoque une écoute d’Exposure.
Ehoarn
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