Paskine – Nimrod. Subtiles lubies en mouvements

l'artowrk déchire, jvous disJ’avais pourtant dit que je ne chroniquerais plus rien qui sortirait de chez VoxxoV avant d’avoir l’album de trdlx entre les mains. Bordel. Et j’étais bien déterminé à écrire tous les autres articles qui sont en attente depuis des mois, jusqu’au moment où j’ai lancé Paskine (que j’ai acheté juste pour l’artwork qui déchire, ne vous méprenez pas sur mes intentions). Mais au bout de quelques minutes il m’a semblé évident que je ne pourrai pas échapper à cette chronique (et du coup, vous non plus). Donc voilà.

Nimrod n’est pas simplement l’œuvre de quelqu’un qui veut faire du drone ou de l’ambient. Cet album est d’abord la création d’un artiste qui possède une oreille accomplie, et qui prend du plaisir aux petites choses annexes que l’on trouve dans des genres parfois éloignés d’années-lumière. Le genre de gars qui va frissonner sur un sample alors que tout le monde écoute le flow du chanteur. Celui qui va s’extasier sur un interlude en zappant soigneusement le morceau suivant, celui qui est pourtant censé être le tube intégral. Le genre de personne à se taper 8 minutes d’un track horrible juste parce qu’à 8:32, ya deux cymbales ou un tour de passe-passe qui le font bander. Paskine est un musicien, mais d’abord un auditeur, et un transmetteur d’une très grande élégance. A l’écoute de Nimrod, et bien qu’il s’agisse d’ambient lourd (mais pas que), et si tant est que l’oreille y soit un peu sensible, on ne peut s’empêcher de voir transpirer les lubies de Paskine.

Sérieusement, ya qu’à écouter Phantom Limbs. Ce garçon vient de créer le premier hybride ambient / hip-hop avec un sample accrocheur, presque populiste j’ai envie de dire, utilisé, usé, exploité tout au long des 5 minutes du morceau. On a envie de dodeliner du crâne en attendant un bon vieux kick-snare et le flow grave d’un Tricky en puissance. Mais non, et c’est là l’élégance de Paskine : la suggestion. Il ne fait que se servir des éléments qu’il aime, piochant allégrement où il veut, pour nous servir un ambient à l’identité fluctuante, aux multiples visages, même si le socle commun est là. C’est comme s’il voulait malicieusement nous dire « tarass, j’aime le hip-hop, le glitch et Michel Sardou, et jvois pas le problème à faire du drone / ambient avec. » Bon, pour Michel Sardou, je sais pas. Mais vous voyez le propos.

Fata Morgana est presque une ode aux ambiances éthérées des meilleures ballades glitchées d’Access to Arasaka… mais sans les glitchs. Et puis la comparaison foireuse survit à peine aux deux premières minutes du morceau, avant que le foisonnement s’installe et n’envahisse tout. Là alors l’élément central de départ devient sous-jacent, et on le cherche, on s’y accroche. Mais on sait bien que le morceau va finalement nous emmener dans quelque chose de fondamentalement différent. En fait, il n’y a guère qu’avec Phantom Limbs qu’on peut se vautrer dans le luxe de se laisser bercer par l’élément central jusqu’aux dernières seconde, sans avoir à se confronter à sa disparition (c’est ce qui le propulse d’ailleurs dans la stratosphère tubesque, pour le meilleur et pour le pire). Car le reste du temps, ce Nimrod est mouvant, et en évolution constante.

Silence et (est) son goût pour l’opulence, le nauséabond, l’écœurant. Ça grouille, ça fourmille, c’est gênant, ça n’a aucun autre sens que celui d’être, aucun but, ça ne sert aucune cause. Silence est juste là pour le plaisir d’exister, pour le plaisir de jeter une dose d’humus pourrissant de vie (ou de vie pourrissante) sur ce disque.

Ce qui est intéressant c’est qu’il est suivi de North, morceau assez similaire dans sa construction de départ, mais totalement antinomique dans sa nature. Si Silence se remplissait jusqu’à la nausée de grouillement animaux (ou moins définis), North est tout aussi grouillant, mais la distance soigneusement respectée et surtout la présence de ces trucs, là, je sais pas quoi, qui ressemblent à des orgues en boucle, enfin, ça dégage une espèce d’ambiance vachement solennelle (ça c’est de l’analyse objective qui vaut son pesant de mp3). On s’imagine regarder les étendues glacées de la banquise et contempler pendant quelques heures le vent transportant de petits filets de neige en des autoroutes improvisées au ras du sol, ou un truc dans le genre. Mais, le tout, bien calé dans son fauteuil. L’espèce de fausse solennité qui généralement ambiance, embellit, et fait mentir les images d’endroits grandioses, mais qui sont, en vérité, impossibles à vivre. Mais qu’on se rassure (j’vous sentais vachement inquiets tout à coup), Paskine opère un virage sévère en tête à queue épingle à veuchs dès la deuxième minute, et va rendre à son North le côté flippant qu’il se doit (ou qu’il lui doit – j’sais plus). De la deuxième à la cinquième minute, la déconstruction s’opère. Il ne s’agit plus d’embellir, de mentir. Il s’agit de rendre la chose telle qu’elle est. Puis, de 5 à 6, le morceau rampe et oscille dans les recoins sombres, se cherchant, courbant l’échine face à un beat dont on a oublié la provenance. On a du mal à faire le lien avec la pub pour le Groenland qu’on a entendu dans les deux premières minutes, mais t’inquiète pas, Paskine le fait pour toi. Et puis à 6, on va peu à peu retomber dans une légèreté, forcée par l’introduction de la mélodie (si, si !), et c’est un réel soulagement. Le North de Paskine sait être froid, sombre, inconfortable et flippant, mais sait aussi être attirant, de beauté. La mélodie va se parer de cristaux glitchiques et autres fioritures foisonnantes et rebondissantes, avant de se perdre dans la vacuité des beats étouffés. On finit dans le brouillard, ce genre de brouillard qui avale les images et les sons. Mais après tout, c’est le Nord. Si j’ai choisi de développer autant ce morceau, c’est parce qu’à mon pauvre avis, il est total. Suggestif, humble, mais aussi malin et surprenant. Paskine nous embarque littéralement et nous trimballe dans sa vision du Nord. Et ce track massif et long sied parfaitement à cette vision.

Je pourrais tenter d’expliquer foireusement chacun des morceaux de cet album. Parler de l’inquiétude larvée et de la violence menaçante de Leviathan. Parler de la tristesse subtile de Disclosure. Mais 1) j’ai pas que ça à foutre, 2) ce serait foireux, 3) je vais pas vous filer toutes les clés non plus bande de feignasses, et 4) si je continue à le complimenter, le garçon va finir par rougir.

Quoi qu’il en soit, j’ai été surpris par la facilité d’accès que cet album suscite. Là où quand même, il m’a fallu faire preuve de stakhanovisme de l’écoute avant de pouvoir essorer quelques pauvres allégories à propos du Hakobune ou du Damian Valles (même si moins pour ce dernier), il me semble que Nimrod ne nécessite jamais que l’on combatte le repoussement qu’il pourrait parfois provoquer. Même s’il a quand même l’outrecuidance d’entamer son album avec le morceau éponyme, qui est aussi probablement un des plus difficiles d’accès. Ces morceaux, même s’ils sont parfois très durs et très crus (Failure), invitent toujours l’auditeur à les suivre. Ou alors c’est moi qui commence à m’habituer aux saloperies de VoxxoV, et dans ce cas-là, je suis pas dans la merde.

Pour acheter Nimrod, de Paskine, c’est chez VoxxoV Records que ça se passe. C’est pas cher et l’artwork déchire. Je l’ai déjà dit ? Ah.

Ehoarn

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