HEXA – Factory Photographs | Asbestose

factory-photographsHEXA, ça ne parlera peut-être pas à beaucoup de gens. Dire que c’est le duo partagé entre Jamie Stewart du groupe de noise-pop (je les crois sur parole) Xiu Xiu et l’illustre Lawrence English, ça éveillera autrement les curiosités. Essentiellement crée en réponse à une commission concernant l’exposition photographique « Factory Photographs » de David Lynch en 2015, le lourd univers sonore émergeant des deux hommes entre ici en collision avec les suggestions industrielles brutalistes et le style unique de Lynch. Après la tartine de charbon et de pétrole par OAKE, vous ne diriez pas non à une tartine de rouille trempée dans l’huile de vidange par HEXA ?

Une fois n’est pas coutume, je vais gentiment demander aux amateurs de mélodies et autres hédonistes moelleux de s’éloigner de Factory Photographs. On entre ici dans un monde froid et dur, où des colosses d’acier solitaires s’animent lentement dans une chorégraphie complexe sur sol pétrolifère, un paysage en noir et blanc sans reliefs et à fort contrastes visuels, qui sert de scène sonore à des structures artificielles déchues de leur raison d’être puis reconverties en antichambres d’une réalité alternative assimilable au purgatoire. Les densités acoustiques propres à chacun des deux artistes semblent se potentialiser de manière exponentielle en l’image d’une fonderie désaffectée, et feront inhaler à ses auditeurs des scories épaisses et poisseuses comme on les aime. Entre matraquages de parois rouillées provoquant des métamorphoses industrielles et résidus organiques oubliés au fond d’un creuset qui se consument avec des textures captées dans des feux de métaux, le résultat est un album suffocant au possible, illustrant à merveille la relation si particulière que Lynch entretient avec les usines. Si on sera tout d’abord paralysés par l’intensité des blasts atonaux et le poids des strates proto-noise dissonantes, les écoutes successives révéleront que la nature profonde des industries mortes-vivantes est, malgré son atrophie, toujours préservée comme un reliquat de mémoire subsistant au plus profond de leurs entrepôts ; souvenirs ternis d’une époque révolue, les machineries et autres chaînes de montage se reflètent dans le miroir dépoli du présent à travers des cycles rythmiques éteints et accablants, agissant sous l’impulsion des réflexes musculo-squelettiques frelatés d’une entité ayant oublié depuis longtemps ses origines.

Ces images, forcément, rappelleront l’esthétique et certaines réflexions de Lynch qui, sans avoir ici la prétention de les résumer en une phrase ou deux, transpirent dans Factory Photographs sous la forme d’un surréalisme anxiogène en territoires bichromatiques, où les sons paraissent à la fois tout à fait réalistes et soumettront des images grotesques et difformes de ces intimidants géants à notre esprit nourri au charbon. Tout n’est foncièrement que fracas inorganique et échos mécaniques, mais l’imaginaire de l’album se servira de nos cerveaux malades comme d’un sol fertile pour y développer des psychoses tentaculaires où verre brisé, fumée épaisse et oxyde de fer s’agglomèrent en une chimère cauchemardesque qui sera notre bourreau pendant 37 minutes. A Breath propose bien un répit en milieu de course, cela restera bien dérisoire face aux hurlements apocalyptiques de Sledge ou aux mornifles raclant le scalp et les oreilles internes de l’asphyxiant (et excellent) Body.

On peut difficilement extraire un nectar plus pur de ce qu’on appelle la « musique industrielle ». Noir, glaçant, dérangeant et terriblement expressif, Factory Photographs laisse les compromis derrière pour un abord radical de cet aspect de l’œuvre lynchienne, et fait espérer d’autres pépites grattant l’asphalte de la part de HEXA. Respirez fort, l’amiante, c’est bon pour les pavillons.

Si cette tartine ne vous a pas suffi, allez voir ici ou pour prendre du rab en digital ou en vinyle.

Dotflac

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