Swarm Intelligence – Rust. Tetanos party

Swarm Intelligence - RustC’est pas évident de parler des albums-concepts. Force est de constater que c’est une idée qui se répand petit à petit dans le maigrichon domaine des musiques électroniques et expérimentales, de pousser le vice du micro de contact jusqu’à en faire l’unique « instrument » d’un album entier. Certains s’y sont cassé la gueule, d’autres ont brillamment réussi à créer des œuvres qui dépassent le simple cadre de la technicité. Au-delà de la prouesse technique (qui, avouons-le, doit filer la gaule en tout et pour tout à trois geeks et 12 suivistes), Eric Holm et Hecq, pour ne citer qu’eux, avaient livré des surbuteries uniquement basées sur du poteau électrique congelées ou du supercalculateur en rut (et ce n’est pas une blague de mauvais goût).

C’est donc au tour de Simon Hayes aka Swarm Intelligence aka la moitié de Diasiva de nous pondre une galette uniquement construite à base de sons de tôles rouillées. Bon, et maintenant, on est bien avancés. Quoi dire de plus ? Qu’à l’instar des deux compères cités plus haut, Rust est évidemment plus qu’un simple album-concept. Dans la lignée de ses sorties précédentes (le très bon Faction, et l’EP Hamburg), l’irlandais pousse la déstructuration jusqu’à altérer la structure habituelle de beatwork qui faisait sa signature. Sa musique se tord et s’allonge, à l’image de Demolition Ground et de Chamber, qui ne sont pas sans rappeler certaines errances rythmiques à la Emptyset (mais peut-être ne sommes-nous pas autorisés à dire ça). Il n’est évidemment pas d’autre interprétation possible pour Rust qu’une ode à la déliquescence, à l’altération. Elle se fait lente, lourde, et dans les soubresauts des machines encore chaudes se logent les complaintes du métal qui s’amenuise sous l’action du temps, en un dernier hommage aux rebus, au déchet.

Mais comme les imageries sibyllines ça va cinq minutes, on va surtout dire que c’est un très bon album qui fleure bon ce que la musique industrielle fait de mieux. Refusant de s’enchaîner dans une rythmique trop facilement répétitive (car l’aliénation c’est pas son truc, contrairement à Ontal), Swarm Intelligence sait exactement quand il est opportun de marteler comme un forgeron, et quand il est préférable de laisser libre cours aux longues volutes de métal crispé. D’une facture beaucoup plus classique et avenante que les élucubrations de Hecq et Eric Holm, on a là une structure solide dans les morceaux (Attic Spring), et donc beaucoup plus accessible de prime abord. Mais n’allez pas croire qu’il vous suffira de deux écoutes pour siffloter de la tôle rouillée pendant le café au petit matin, non. Ce n’est qu’avec une écoute prolongée, répétée et régulière que Rust livrera toutes ses nuances de rouilles, et bordel, il y en a un sacré paquet. Une écoute avec un bon casque est donc fortement conseillée pour palper à pleines paluches toutes ces textures.

Si la déliquescence est un thème que tout amateur de musiques industrielles a bouffé jusqu’à la lie, si la lourdeur métallique des sons est une constante de plus en plus nauséeuse, Swarm Intelligence réussit l’exploit d’en faire un album de haute volée. Si la démarche est loin d’être la plus novatrice qui soit, et que le résultat ne viendra pas redéfinir le genre, Rust est un objet humble qui ne mérite pas qu’on lui inflige de fausses attentes : c’est un très bon album, et c’est tout.

Rust, de Swarm Intelligence, est disponible chez le toujours excellent Ad Noiseam, en digital, en CD, et même en joli double LP transparent.

1 commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.