L’exercice est rompu, vous en connaissez les contours. Toujours pas de tops pour l’équipe de Tartine de Contrebasse, mais un mea-culpa en forme de liste, comptant dans ses rangs les albums qui nous auront le plus marqué durant cette année 2019… mais dont on aura toujours pas eu le temps de causer. Un exercice ni exhaustif ni tout à fait ordonné (si ce n’est par ordre chronologique de sortie), dévoué à ces artistes qui mériteraient amplement que des chroniqueurs plus zélés en fassent des tartines, ou – a défaut – que de fidèles lecteurs y versent une oreille attentive, voire – soyons fous – achètent leurs productions. Comme à notre habitude, nous tentons encore d’user de cette totale indépendance que nous défendons si chère, en restant autant éloignés que possible des hypes que génèrent notre mercantile époque. Non pas par snobisme, mais simplement parce que faire de la pub à des artistes qui comptent leurs écoutes sur Spotify en millions ne nous intéresse pas. Mais aussi, et surtout, parce que le bon goût, c’est nous. Bordel.
Bonne année.
25/01 Surachai – Come, Deathless [Bl_k Noise]
Du modulaire crasseux, bouillonnant d’une vie corrompue, dérangé par sa déconstruction intrinsèque. Du modulaire forgé dans les flammes incontrôlables de scories de plomb en fusion, imprégné de l’encre épaisse de l’existence et de sa folie contemporaine associée. Se soumettre à la violence et refaire surface par la colère. Si un mec comme Richard Devine respecte le taf de Surachai, il est au moins digne de votre curiosité.
01/02 Bruit Noir – II / III [Ici D’Ailleurs]
Second album d’une trilogie débutée en 2015, on retrouve les compositions fatiguées par l’existence de Jean-Michel Pirès, diluées dans les intervalles de tout ce qu’on ne veut plus voir ou croire, complétées par la prose de Pascal Bouaziz, nourrie d’un mélange toxique et narcotique de cynisme, de politiquement incorrect et même d’auto-dérision et de nostalgie. La bande sonore élusive de ceux qui envient les ignorants et les battants à une époque incertaine comme celle que l’on vit.
08/03 Yann Novak – Scalar Fields [Room40]
Deux longues méditations dronesques de 20 minutes chacune, par un artiste qui persiste à surprendre dans sa perpétuelle évolution sonore qui a certainement atteint un point culminant avec son récent Slowly Dismantling, aussi chez Room40, mais dont je n’ai pas trouvé les mots pour en parler comme il se doit. Malgré des intentions et aussi une composition différentes, Scalar Fields arrive à accrocher l’attention dans des paysages solaires et définitivement oniriques, où la question du temps souvent centrale dans les travaux de Yann Novak se diffuse dans les espaces malléables si particuliers qu’il crée.
19/04 Mt Went – Sheltering Sky
Avant de devenir l’une de nos mascottes, et avant qu’il officie sous le nom de Seabuckthorn, Andy Cartwright faisait déjà des siennes avec un certain Dave Anderson. C’était en 2010, mais ça sortait des cartons pour la première fois au printemps dernier. Des balades tristounettes et de la folk comme on n’en écoute pas très souvent, le genre de galette qui essaie de nous faire changer d’avis. Thom Yorke, sors de ce corps !
22/04 Krister Linder – Across the Never [Ghostfriend]
Eh oui, un plaisir coupable, ça arrive. Krister Linder, je n’en connaissais rien avant de tomber sur une collaboration live de mon artiste totémique Solar Fields durant une Nuit Hypnotique (RIP in peace). Pur produit de la scène scandinave que j’aime, des compositions downtempo et des paysages sonores détaillés se transforment en pistes profondément cinématiques et touchantes, de la nostalgie la plus élémentaire aux cavalcades frénétiques vers les tréfonds de l’âme. Mais ce qui vend l’affaire, c’est surtout la voix hantée de Linder, habitée d’un timbre unique venant des territoires agités de l’attrition et de l’adversité, trempée par une maturité et une sagesse évidentes apprises dans les coins obscurs de l’existence. On les devine dans les sujets et les paroles des morceaux bien sûr, mais aucun mot n’est nécessaire pour ressentir les fantômes qui ont un jour tourmenté le chanteur, et qu’il a depuis acceptés à ses côtés pour avancer plutôt que d’essayer vainement de les chasser. Et de ces temps de doutes et de solitude émerge un conte multicolore de pureté et d’optimisme, doux à l’oreille et réconfortant comme une berceuse chantée par quelqu’un que l’on a connu et chéri toute sa vie.
26/04 Alberich – Quantized Angel [Hospital Productions]
Bien que rien ne puisse encore détrôner la destruction méthodique et sans compromis de Psychology of Love, qui reste un de mes objets préférés dans le domaine des musiques qu’Alberich a fait siennes depuis longtemps, j’ai retrouvé dans Quantized Angel ce sentiment d’indus un peu « à l’ancienne », même si on flirte plus souvent avec le dark ambient, dans les discours inintelligibles fondus dans le métal, la saturation extrême et des rythmiques martiales sans pitié. Pas son meilleur non, loin de là, mais la jurisprudence de la nostalgie a parlé.
24/05 Blaine Todd – Every Road Is a Good Road [Full Spectrum Records]
2019 aura marqué l’émergence d’un courant « experimental ambient country » (oui oui). Avec son Every Road Is a Good Road, Blaine Todd marque à notre humble avis l’album à retenir en la matière, trifouillant dans les recoins musicaux les plus inavouables de l’Amérique profonde. Recommandé pour celles et ceux qui n’ont pas peur du banjo, ni du rodéo.
14/06 Imelda Marcos – Tatlo [Already Dead Tapes]
Les têtes chercheuses de chez Already Dead Tapes ont le chic pour nous dénicher des pépites qu’on attendait pas. Cette année, c’est donc le duo Imelda Marcos qui s’y colle, avec cet album fourré à la nitroglycérine. De quoi combler les vieilles têtes biberonnées au math-rock. La référence à la première dame des Philippines n’est néanmoins pas encore totalement cernée.
27/06 Sutcliffe Jügend – Relentless [Death Continues Records]
Découverts par hasard cette année, qui signa d’ailleurs la fin du projet, Sutcliffe Jügend est un duo de gaziers qui m’aura rarement autant laissé une impression de satisfaction malgré l’investissement de territoires power electronics qui ne sont habituellement pas ma tasse de thé. Ça riffe, ça drone, ça tâche, ça brûle, ça hurle, ça sature, on a juste envie de cracher toute notre bile en accompagnant cet objet sonore non-identifié et c’est foutrement expiatoire. Mais attention, 4h30 de sons à se farcir sur quatre CDs, votre cœur risque de ne pas y résister. Ce serait cependant dommage de ne pas tenter l’aventure.
05/07 Hüma Utku – Gnosis [Karlrecords]
La turque sort son premier LP sous son vrai nom chez le toujours plus pertinent Karlrecords, avec une création aux airs d’incantation d’anciens dieux sombres oubliés et d’ouverture d’un sol empoisonné vers les ténèbres. Menaçant et intimidant, on se plie sans difficulté aux lames de fond subhertziennes et aux rituels martiaux pour rejoindre les marches démoniaques se réverbérant sous terre menées par Hüma Utku.
05/07 Oren Ambarchi – Simian Angel [Editions Mego]
Loin d’être fan de tout ce qu’il fait, trouvant souvent ses travaux un peu prétentieux, parfois pas assez, il y a eu dans Simian Angel un ingrédient qui m’a séduit : cette impression de spontanéité qui ne cherche pas à éluder les imprévus et les erreurs. Les deux longs morceaux naissent ici d’hallucinations provoquées par la fièvre, des souvenirs transformés en visions pandémoniaques perchées entre réalité et fiction, jamais trop étranges, mais jamais tout à fait confortables non plus.
24/07 EskoStatic – Serpentines & Valleys [Ultimae Records]
Peu de sorties cette année pour Ultimae Records, certes, mais quel joli lot. On a déjà causé des splendides Remote Redux et Inks, mais Serpentines & Valleys aurait aussi mérité son papier. Duo dont je ne connais au final qu’une moitié, EskoStatic brille évidemment par l’attention au sound design si particulière de Martin Nonstatic, déjà célébrée par deux fois dans nos lignes, mais semble respirer dans des espaces plus grands, à la mesure de la vision panoramique du label lyonnais. Aucun doute qu’Esko Barba en est au moins partiellement responsable, proposant avec cet album un voyage sonore aux dénivelés et subtilités semblables aux magnifiques paysages qui ont inspiré sa création.
26/07 Sam KDC – Omen Rising [Horo]
Le partenaire de crime d’ASC emprunte avec Omen Rising les voies de la techno asymétrique que ce dernier poursuit avec ferveur depuis le début de sa série des Realm of, déjà encensée ici. Il faut dire que James Clements et Samuel Wood avaient déjà pavé ce chemin depuis la création de leur label Grey Area, berceau de saillies techno hors des poncifs habituels du genre, il est donc naturel que chacun développe cette esthétique déséquilibrée, dilatée et résolument unique dans des travaux personnels. Omen Rising se pose donc là comme un rouleau compresseur de tout ce que j’ai encore envie d’entendre d’un style où tout semble déjà avoir été composé : spatial, massif, imprévisible, insaisissable et diablement jouissif. Non mais Coup de Grâce quoi.
30/07 øjeRum – Without Blood the Sun Darkens [Cyclic Law]
Quoi qu’un peu trop productif pour être en permanence qualitatif à mon goût, Paw Grabowski sort quand même régulièrement des pièces en marge d’une patte parfois trop lisse. Semblant chasser les labels pour les ajouter à son tableau de trophées, il investit avec cet album les sombres rangs de Cyclic Law dans une expression plus minimaliste, où des boucles mélancoliques solitaires se fissurent dans les couloirs obscurs du temps, émettant leurs derniers râles de vie en écho à elles-mêmes avant de s’abandonner à l’éclipse de l’oubli. Une preuve par le son de la différence entre simple et simpliste.
13/08 Tape Loop Orchestra – All Machines Are Standing Still [Tape Loop Orchestra]
Que serait un top ou un pot-pourri sans citer au moins une fois Andrew Hargreaves ? Sa maîtrise naturelle des boucles a été cette année mise au service d’une trilogie de travaux où il a exploré les pièces vides abandonnées à leur sort, après que leurs habitants soient partis, et toutes les fragrances spectrales qu’ils ont laissé derrière eux dans les espaces entre les espaces. All Machines Are Standing Still est probablement le plus palpable des trois chapitres d’Interiors, comptant sur une science des bandes magnétiques érodées par le temps et prêtes à sauter dans l’abysse définitive des souvenirs oubliés. Des notes de piano étirées brillent une dernière fois avant leur trépas et des voix pénombreuses perdent en détail pour se concentrer sur leurs intentions, imprimant leurs existences estompées dans l’oxyde de fer. Ces sentiments abîmés réduits à leur essence primordiale résonnent en nous sans tricher, nous rappelant la présence d’une dimension invisible où le néant n’est pas un tout binaire, mais un ensemble constitué de nuances infinies de réminiscences. Le véritable cœur de ce qui a une fois été, condensé en deux compositions moulées par une mélancolie mise à nue et polie par le sens inné d’une vérité délicate, camouflée dans les interstices de la vie si facilement dévoilés par Tape Loop Orchestra. La musique qui émerge du silence.
30/08 Pharmakon – Devour [Sacred Bones Records]
Encore une fois, aucun de nous n’aura été assez courageux pour parler comme il se doit du dernier Pharmakon (ou assez attentif pour réaliser qu’elle sortait un nouvel album cette année). Margaret Chardiet continue encore aujourd’hui à explorer nos rapports avec le corps de la manière cathartique et dévastatrice qui la caractérisent. Probablement la sortie la plus violente et expressionniste de son catalogue, Devour est un pamphlet frontal adressé aux comportements autodestructeurs de l’Homme avec le langage de l’autophagie. Des éruptions spontanées de fantasmagories électroniques stridentes et des discours véhéments au bord de la folie mettent à terme le public au défi de se soumettre à leur hypnotique pouvoir d’annihilation. Un album se repliant sur lui-même, dévorant sans relâche ses propres pêchés, comprenant déjà que le seul moyen d’échapper à la réalité est de disparaître entièrement dans ses propres entrailles répugnantes.
On ne s’est toujours pas remis de leur Ancient Alien Tempel Ritual de 2017 que les trublions de Snakes Don’t Belong in Alaska viennent nous assommer avec ce pavé d’une densité phénoménale, en duo avec Junzo Suzuki. Un double LP qui – chose notable – parait agrémenté d’un mixage et mastering potable, et qui éclipse effrontément la pelotée de micro-sorties parues entre-temps. Un son taillé pour la légende.
18/09 Grykë Pyje – Collision and Coalescence [mappa]
Vous ne le saviez probablement pas, mais derrière leurs apparats d’écosystème paisible, les innombrables espèces que comptent la faune et la flore des marécages forestiers s’adonnent à la musique lorsque personne n’écoute. Jani Hirvonen et Johannes Schebler ont néanmoins eu la chance de pouvoir partager quelques unes de ces sessions, entre la Finlande et l’Allemagne. Ce qui nous permet d’entendre pour la première fois une musique taguée « cryptobotany ».
04/10 Jonas Meyer – Konfusion [Serein]
Un écrin de délicatesse, chargé, mais calme. Complexe, mais instinctif. Léger, mais profond. Jonas Meyer trace à la craie la limite poreuse entre ambient et electronica, entre le ni trop, et le ni trop peu. Une sortie discrète, mais étonnamment riche et subtile pour une première.
11/10 Zu – Terminalia Amazonia [House of Mythology]
Le trio qu’on ne présente plus confirme cette année le virage pris avec leur Jhator, et enfonce même le clou pour sortir ce double LP dédié aux peuples de l’Amazonie. Mêlant enregistrements de chants Shipibo-Conibo et nappes composées sur d’anciens synthétiseurs, Terminalia Amazonia est un voyage dans le temps. Non pas comme un simple flashback, mais comme une confusion de témoignages sonores du passé, du présent, et – d’une certaine façon – du futur. Un album d’une sensibilité remarquable.
18/10 Oiseaux-Tempête – From Somewhere Invisible [Sub Rosa]
Trop de choses à dire, trop de gens à citer pour rendre un paragraphe buvable sur From Somewhere Invisible dans ce pot-pourri. Mais il fallait le citer : le groupe aux membres métamorphiques s’éloigne un peu des notions de voyage et de sa zone géographique de prédilection autour du bassin méditerranéen pour proposer un vol de nuit au-dessus de paysages burinés mais encore inconnus. Du spoken word impeccable aux cuivres menaçants en passant par tout ce qu’on peut trouver ou espérer entre les deux, le groupe continue à s’imposer comme un des projets (au cœur) français les plus passionnants du moment.
24/10 Anthony Baldino – Twelve Twenty Two [MethLab Recordings]
Au-delà de la grosse tamponnade du Broken Note, MethLab Recordings aura aussi sorti en cette fin 2019 le premier album d’un créateur que, à l’image (encore) de Richard Devine, vous aurez forcément entendu sans le savoir dans des publicités ou des œuvres cinématographiques. Et là aussi, comme Devine, Anthony Baldino déroule une maîtrise impeccable de ses modules dans une bande son futuriste léchée, très détaillée et pourtant loin des leitmotivs qu’on pourrait redouter de l’association sound design/synthés modulaire, à savoir une production tellement clinique qu’elle en devient aseptique ou tellement modulaire qu’elle en devient chiante. L’équilibre est atteint entre la précision calculée des compositions, mais aussi leur respiration atmosphérique qui évite d’étouffer dans une opulence piégeant souvent le passage de ce genre d’obsédé du détail vers un format album. Une réussite sans aucune prétention.
25/10 Grischa Lichtenberger – re: phgrp [Raster]
Une des armes secrètes de Raster (-Noton avant) refait surface en 2019 avec une réinterprétation sauce Grischa Lichtenberger d’un album de jazz, où l’ensemble de jeu original se fait méthodiquement déconstruire puis réassembler élément par élément par le berlinois en un objet de fusion post-jazz indéfinissable. Les rythmes se télescopent, les timbres s’envolent pour mieux exploser, la finesse de jeu initiale se transforme en une magie électronique tellement soutenue et poussée qu’on se demande si c’est un seul humain qui a pu imaginer tout ça. Ajoutez la propension naturelle de Lichtenberger à créer des compositions denses et tendues sans jamais franchir la limite du dérangeant, ainsi que la qualité de production émérite du label qui n’est plus à démontrer, et vous obtenez un album improbable, et donc forcément attirant.
08/11 Shapednoise – Aesthesis [Numbers]
J’ai pas mal hésité à chroniquer proprement cet album pour une simple raison : il a été vendu comme une expérience sensorielle totale où les sens sont une interface et les sons un espace. C’est exactement ce que je pensais déjà de l’immense Different Selves de Shapednoise, qui reste à mon avis indétrônable, et le restera encore un certain temps. Mais c’est pas parce que je n’avais rien de plus à en dire que j’en pense moins : Aesthesis est un uppercut de bruit et d’éclats de métal qui vient gentiment épouser vos délicates esgourdes pour vous retourner la tête, vous laissant stupéfait de pouvoir être témoin d’une telle densité et d’une telle puissance sonores avec si peu d’artifices ; une pure expérience synesthésique à travers des sons bruts. On y discerne tellement pas de compromis que c’est à se demander si Nino Pedone n’est pas trop loin dans le turfu, mais rappelons qu’on pense régulièrement la même chose de Kerridge et qu’on est rarement déçus.
14/11 David Granström – A Distant Color, Secluded [XKatedral]
Premier album du suédois David Granström, A Distant Color, Secluded fait résonner l’espace comme une dimension malléable. Un travail lent et rigoureux, dans lequel le temps n’est plus qu’une simple frise, ni même une contrainte, mais une toile que l’on déroule, sidechain après sidechain.
15/11 Lake Mary & The Ranch Family Band – Sun Dog [Full Spectrum Records]
Cet album vient nous rappeler que non, nous ne sommes pas totalement allergiques aux mélodies enjouées ou aux accords majeurs. Il nous rappelle également qu’on avait déjà croisé Lake Mary il y a maintenant trois ans, dans un style bien différent cela dit. Il montre également à quel point les gars de chez Full Spectrum Records n’ont toujours pas décidé de chômer avec une année bien chargée. Du baume au cœur pour passer l’hiver.
18/11 Ecker & Meulyzer – Carbon [Subtext]
L’environnement est un sujet au centre de beaucoup de discussions ces dernières années, légitimement. On est noyés sous la principale information que notre fragile biome s’effondre à cause d’un de nos plus grands pêché et mensonge : le progrès. Cependant, des mesures contradictoires semblent être prises, quand les plus aisés sont aussi les coupables carboniphages aveuglés qui font comme si le changement climatique était un conte exagéré, et ses conséquences une désinformation. On peut résumer Carbon à cela, l’état actuel de notre monde précaire et une prédiction du futur si l’on persiste à faire du surplace, entre d’un côté les paysages sonores tendus enregistrés principalement sur place à la Réserve mondiale de semences du Svalbard, qui combat la fonte de ce qui était ironiquement sensé être sa protection contre les éléments, et d’un autre côté les implacables chevauchées polyrythmiques des percussions ritualistiques et symphonies électroacoustiques créées comme un électrochoc existentiel pour réveiller notre pleine prise de conscience des faits. Mais Koenraad Ecker et Frederik Meulyzer, connus avant sous Stray Dogs, refusent ici de sombrer dans le pessimisme ou le cynisme, espérant que leur sombres et lourds présages ne se réaliseront pas, et seront plutôt refutés avant qu’il ne soit trop tard. Et nous ne pouvons pas nous le permettre.
29/11 J Rowe – Channels of the Lake [Sounds of the Dawn]
On aurait aimé vous annoncer que Cinematic Orchestra et Philipp Glass venaient de sortir une collaboration. Et si cela n’arrivera probablement jamais, ce n’est néanmoins pas totalement peine perdue grâce à J Rowe qui vient ici clôturer un mois de novembre déjà assez dingue, avec son magistral Channels of the Lake. Quarante minutes d’une folie captivante. Probablement l’une des sorties les plus intemporelles de cette année. Un truc qui tournera en boucle pendant encore pas mal de temps.
07/12 Nāda Mushin – Mono No Aware [KrysaliSound]
Comme son titre le décrit déjà si bien, Mono No Aware séduit par son ambient monolithique qui capture des instants fugaces pour les étirer jusqu’à leur point de rupture. 12 pistes aux intentions douces mais aux compositions paradoxalement très massives, qui jouent sur le point sensible des dualités afin d’y emmener ses auditeurs dans un voyage spirituel, où perte des repères et contemplation de l’invisible sont converties en art de revivre.